Des bons usages de l'énergie
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Publié dans "La Pensée" en 2009
Les enjeux énergétiques, la façon de produire l’énergie, sont tels, l’avenir de l’humanité se joue là, que le sérieux s’impose quant à leur définition. Il faut avant tout rejeter les solutions qui impliquent, soit une diminution de la population mondiale (par l’effet conjugué de guerres et d’épidémies : ne soyons pas naïfs, certains envisagent sérieusement cette "option"), soit le maintien dans le sous-développement d’une majorité des peuples1. L’enjeu est de permettre un développement énergétique favorisant le développement social. Les solutions misérabilistes de compensation du déficit des uns par l’appauvrissement des autres sont à proscrire. Il faut parvenir à augmenter la production énergétique globale, dans les contraintes imposées par l’horizon d’appauvrissement des ressources, et du choc environnemental lié au réchauffement planétaire, tout en rationalisant la demande et la consommation dans les pays les plus consommateurs d’énergie fossile.
Deux visions sur les réponses possibles :
1) Se placer du point de vue de la production en extrapolant la situation actuelle
D’une manière générale, il est nécessaire dans la mesure du possible, de diversifier les sources de production d’énergie. Un examen des rendements réels conduit toutefois au verdict suivant : si l’on vise à développer des filières de production protégeant notre environnement, et suffisamment efficaces pour ne pas buter sur des problèmes d’approvisionnement, on ne peut se passer, pour les siècles à venir, de l’utilisation de l’énergie nucléaire. Tableau d’évolution des émissions de CO2 à politique énergétique constante :
Et le nucléaire ?
L’uranium est répandu dans l’écorce terrestre à raison de 3 grammes par tonne en moyenne. Les ressources classiques connues accessibles à un coût inférieur à 130 dollars par kg d’U sont en 2001 de 3,93 millions de tonnes à comparer à une consommation mondiale actuelle de 64 000 tonnes par an. C’est-à-dire 60 ans de fonctionnement dans les conditions actuelles. Or, compte tenu de l’état du marché, il n’y a pratiquement plus aujourd'hui de prospection et des
1 Voir L’Humanité 16 Juin 2004 article L’énergie (nucléaire ?) de demain J.P. Bibring ; P. Lederer.
2 Agriculture, commerce, services, …
-L’uranium ne représentant que 5 % du coût de l’électricité nucléaire, on peut admettre de supporter des coûts d’uranium plus élevés. De nombreux gisements, voire des voies moins classiques, deviennent alors économiquement justifiés3.
-L’énergie nucléaire (i.e. de fission) est une énergie jeune et les centrales actuellement en fonctionnement sont d’un type relativement fruste par rapport à ce qui existe « dans les cartons ». La cohérence voudra que la surgénération soit mise en œuvre, ce qui est susceptible de diviser par au moins un facteur 50 la masse de déchets actuellement produits. Les centrales de génération 4 optimiseront l’utilisation de la matière fissile. Le besoin en matière première sera alors divisé par un facteur proche de 100 (les plus pessimistes –ou prudents-disent 50), ce qui au rythme actuel permettrait 3000 ans au moins d’approvisionnement. Ces centrales de quatrième génération 4 ne seront pas disponibles avant 2040. Ainsi, si on veut simultanément prendre réellement en compte le problème du recyclage des déchets et assurer une indépendance énergétique planétaire pour quelques siècles, l’utilisation du cycle fermé avec les centrales à neutrons rapides (surgénérateurs) est incontournable. Ce n’est pas le choix fait en France en lançant la construction d’une centrale EPR (à Eau Pressurisée), choix qui s’apparente plus à une vision liée à la privatisation d’EDF et à une problématique purement financière à court terme due aux bas coûts actuels de l’uranium. Le développement de la production d’électricité par des centrales nucléaires a un corollaire : celui d’une très grande sécurité d’icelles. Là il y faut des conditions politiques et économiques
3 Il y a toutefois un problème important concernant la France, nos centrales consomment environ 8000 tonnes de minerais d’uranium par an, or pas un seul gramme n’en est extrait du sol français, notre dépendance est totale !
4 six types sont à l’étude :
- VHTR (Very High Temperature Reactor) : réacteurs à neutrons thermiques de petite taille, refroidis à l’hélium à très haute température (1000/1200 °C), dédiés à la production d’hydrogène ou à la cogénération hydrogène-électricité ;
- GFR (Gas-cooled Fast Reactor) : réacteurs à neutrons rapides de petite taille, refroidis à l'hélium, surgénérateurs ;
- SFR (Sodium-cooled Fast Reactor) : réacteurs à neutrons rapides, refroidis au sodium, surgénérateurs. Deux options sont développées : puissance unitaire de 150 à 500 MWe d’une part, de 500 à 1200 MWe d’autre part. Une décision démagogique du gouvernement Jospin a fait arrêter le programme Rapsodie et ainsi perdre l’avance technologique de la France en la matière ;
- SCWR (SuperCritical Water-cooled Reactor) : réacteurs à eau supercritique de grande puissance. Deux versions sont développées, l'une à neutrons thermiques, l'autre à neutrons rapides.
- LFR (Lead-cooled Fast Reactor) : réacteurs à neutrons rapides refroidis au plomb (ou alliage eutectique PbBi), surgénérateurs. De nombreuses variantes quant à la puissance unitaire sont envisagées, de 50 à 1200 MWe. Un tel réacteur fonctionne, mis en place par les soviétiques en 1980, le BN 600 à Sverdlovsk. On a là 25 ans de recul sur le fonctionnement d’un tel réacteur.
- MSR (Molten Salt Reactor) : réacteurs de petite taille à neutrons épithermiques, utilisant le sel fondu à la fois comme combustible et comme caloporteur.
De tous ces concepts, seul le VHTR propose dans sa version de base, un cycle de combustible ouvert, les cinq autres concepts visant prioritairement un développement énergétique durable avec recyclage du combustible.
nationales et internationales (les nuages atomiques ignorent les frontières) sur lesquelles il convient de réfléchir. Le problème des déchets ne se pose en réalité pas vraiment. La masse de déchets à vie longue (mais à radioactivité relativement faible) dits de niveau C produite, est relativement faible, surtout après utilisation dans des surgénérateurs (on l’estime à l’équivalent du volume de 4 piscines olympiques par siècle pour la production d’électricité de la France). Ces déchets ultimes à longue durée de vie sont actuellement sous contrôle grâce au stockage surveillé et à la vitrification. Le stockage permet de localiser les déchets en question, ce qui fait que lorsqu’on aura résolu le problème de leur élimination, on saura où les retrouver. Tel n’est pas le cas des molécules plus ou moins bizarres qui sont envoyées dans l’atmosphère ou dans les eaux et terre, qui s’y diluent et sont irrécupérables sans qu’on sache qu’elle est leur action à long terme. Curieusement ce problème, pas plus que l’effet sur les couches les plus hautes de l’atmosphère et sur la ceinture magnétique d’un milliard de téléphones mobiles émettant simultanément, ou encore la consommation d’oxygène, ne préoccupe les forces politiques se réclamant de l’écologie. Toutefois, l’utilisation de l’énergie de fission ne va pas sans poser certains problèmes. Outre la dangerosité extrême des centrales en cas d’accident majeur (l’équivalent de Tchernobyl en France conduirait à la stérilisation du tiers du territoire français !). À cause de cette dangerosité, et de la technicité liée à la technologie nucléaire, l’utilisation de cette source d’énergie induit une organisation extrêmement centralisée et directive. Il n’est pas question d’autogérer des centrales nucléaires. Les énergies renouvelables seront sans doute exploitées au maximum des possibilités, mais aussi les énergies plus traditionnelles comme la biomasse combustible et l’hydraulique (il y a encore des possibilités de ce côté-là en Afrique comme en Asie). Il ne s’agit pas de minimiser les problèmes spécifiques et essentiels découlant de l’utilisation de l’énergie nucléaire. Ici, il existe deux comportements possibles :
-celui qui est le plus fréquemment mis en avant, dans les milieux se voulant protecteurs de l’environnement en France, est de considérer sans autre débat que ces problèmes sont rédhibitoires, et d’exiger de "sortir du nucléaire". Cela revient à opposer ce qui serait la seule énergie par nature "sale", l’énergie nucléaire, à l’ensemble des énergies "propres"5, sans prendre en compte les conflits régionaux et planétaires auxquels le déficit d’approvisionnement énergétique conduirait -et conduit déjà. Plus fondamentalement, une telle position revient, qu’on le veuille ou non, à pérenniser un statut quo planétaire où seule une minorité de pays capitalistes développés gérerait la planète, en utilisant l’ensemble des moyens de domination militaires, économiques et idéologiques dont elle s’est dotée. C’est la direction dans laquelle s’engage l’impérialisme ;
-l’autre comportement consiste à reconnaître que pour éviter le risque de déséquilibres planétaires globaux, on ne peut faire l’économie de l’énergie considérablement plus efficace que toute autre source énergétique connue jusqu’à présent. Il convient alors, non pas d’éviter, mais au contraire d’affronter avec sérieux et responsabilité les problèmes qu’elle soulève, pour en réduire la portée au maximum ;
-ces questions se répartissent en au moins quatre domaines, qui chacun justifierait un article dédié :
- sûreté des réacteurs ;
- déchets ;
- prolifération ;
- ressources.
5. Il serait intéressant de savoir quelle a été la quantité de cancers et autres maladies induits par les rejets dans l’atmosphère des centrales thermiques au charbon ou au lignite, ainsi que des raffineries de pétrole et de les comparer aux effets des accidents nucléaires, le débat s’en trouverait très certainement plus serein. De même en est-il du nombre de décès dus à l’exploitation du charbon qui se décline en plusieurs milliers par an, et le gaz carbonique généré par la combustion du charbon et autres composés d’énergie fossile, aura dans l’atmosphère, une durée de vie comparable à celle de la radioactivité tout en ayant entre temps complètement déréglé le climatS’il est un champ d’intervention pour lequel une mobilisation est urgente et impérieuse afin de sortir du nucléaire, c’est celui du nucléaire militaire[1], qui se développe sans aucun contrôle populaire. En parallèle, il faut modifier en profondeur le rapport des citoyens au nucléaire civil : il est nécessaire que se développent rapidement les recherches scientifiques et les développements techniques permettant de fabriquer des réacteurs de type nouveau, sur des principes physiques connus, au service de l’homme et de la planète. Proposer l’arrêt de tout développement c’est faire perdre plusieurs années critiques, au terme desquelles la raison et la réalité imposeront de reprendre le travail, mais avec un retard qui pourrait s’avérer catastrophique par ses conséquences humaines, économiques et sociales.
Maîtrise des émissions liées aux transports
Il n’y a pas de solution miracle, il ne faut pas se raconter d’histoires, il n’y a pas de voiture propre ! L’hydrogène n’est pas une énergie primaire, il faut le produire et le rendement énergétique est dérisoire ; les biocarburants peuvent apporter une contribution limitée à condition de choisir les filières de production et d’utilisation les plus rationnelles, ce n’est pas actuellement le cas en Europe, et ça ne résout pas le problème de la pollution et de l’effet de serre. De plus ça pose le problème de l’utilisation des terres agricoles qui ne sont pas extensibles à l’infini. Il y aura là aussi conflit entre la culture vivrière et la culture pour les biocarburants. Le problème des OGM pourrait bien alors se poser en d’autres termes. La voiture électrique est une aberration du point de vue du rendement énergétique7 la seule justification en pouvant être l’effet de serre et la pollution à la condition qu’on élimine certains constituants des batteries (cadmium par exemple). En 2000, les énergies alternatives utilisées pour les transports routiers dans le monde (GPL + biocarburants) ne représentaient que 24Mtp pour 1550 Mtep de carburant conventionnel, soit 1,52% du total du carburant utilisé. Cet état des lieux montre les directions dans lesquelles doit se développer l’action : Poursuivre l’amélioration des rendements des moteurs thermiques en respectant les objectifs fixés par l’Union Européenne pour 2012, soit au maximum 120g/km de CO2 contre 200g/km en 2000, soit 40% en moins au kilomètre. Les solutions sont certes à chercher du côté de la technique, mais aussi et surtout dans une politique de forte incitation à la production et l’achat de véhicules plus économes en énergie. Arrêt de la production des 4x4, des 6 et 8 cylindres. Réduction drastique de la vitesse sur route, développement d’une politique audacieuse de transports en commun maillant les territoires, sans doute couplés avec un système de location
Ainsi que toutes les armes de destruction massive qui tuent parce qu’elles polluent énormément, que ce soit au plan bactériologique, chimique, par rayonnement, ou météorologique.
7 Et pour l’instant, le moteur mixte n’a pas fait ses preuves, mais attendons, on ne sait jamais.
de voitures. Repenser l’aménagement du territoire.
2) Partir des usages et des besoins réels
Après le constat, essayons de voir comment les problèmes pourraient êtres différemment déclinés et donc comment ouvrir des pistes de réflexion pour l’avenir énergétique. Pour ce faire nous partirons des usages et des besoins. Il y a plusieurs problèmes à résoudre, il faut distinguer
1. la production d’énergie primaire, fossile et renouvelable ;
2. la consommation d’énergie qu’on déclinera en deux parties en fonction des domaines d’utilisation :
a. la consommation d’énergie « fixe » (production industrielle, chauffage, …)
b. la consommation d’énergie « embarquée » (essentiellement transport) ;
3. la pollution engendrée par la production d’énergie primaire ou l’utilisation d’une énergie finale. Ces trois domaines ont été traités à la fois dans le temps et dans l’espace, les données étant éclatées par continent et par type de pays (occident, PVD, etc.). Les chiffres et projections sont issus d’études menées par des spécialistes de l’AIE (agence internationale de l’énergie), de l’OCDE, du CNRS, du Conseil Mondial de l’Énergie. Plusieurs remarques sont nécessaires qui conduisent à la prudence.
De la méthode
La méthode employée est celle, classique, de la projection simple ou extrapolation de ce qui existe aujourd’hui. Cette méthode présuppose que rien ne change dans le mode de production et donc de développement, il s’agit là d’un présupposé idéologique pour ne pas dire politique. Toutefois, cette méthode présente une pertinence certaine en ce qu’elle est susceptible de mettre en évidence les impasses auxquelles conduit ce système de production et d’échange. Dans cette vision, les consommations d’énergie primaire et d’énergie finale croissent de manière exponentielle tout en conservant la même structure, c’est-à-dire la même proportion entre elles. Cela suppose donc, un même type de production d’énergie primaire et un même type d’utilisation de l’énergie finale. Seuls, les volumes changent. La seconde méthode est celle que l’on utilise lorsqu’on ne sait pas grand-chose du problème posé (ce qui est le cas). Elle consiste à imaginer plusieurs scénarios, en général de trois types, correspondant à des estimations basse, moyenne et haute. Cela ne résout en rien le problème posé, mais elle permet, cependant, d’appréhender l’écart entre les différents cas, et, principalement, entre le scénario bas et le scénario haut, ces différents scénarios correspondant en effet, à des hypothèses différentes. Cela génère des scénarios qui n’ont pratiquement aucune chance de fonctionner, et ce n’est pas le but. Par contre, ça permet de déterminer, parmi les hypothèses retenues, celle ou celles qui auraient un effet important sur le résultat, celles qui se révéleraient discriminantes. Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit de la ou les hypothèses qui optimiseraient les consommations d’énergie et les effets sur la pollution. C’est le cas des scénarios élaborés par l’International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA) pour le compte du Conseil Mondial de l’Énergie et par le CNRS8. Quelles sont les conclusions auxquelles arrivent les auteurs de ces scénarios ?
- La demande d’énergie finale est très importante. Dans ce scénario, d’ici 2030, elle croît de manière exponentielle, principalement pour répondre à la demande des continents africain et surtout asiatique ;
- en ce qui concerne la production d’énergie primaire, l’extrapolation de la production actuelle à l’échéance de 2030 ne fait qu’aggraver le problème ; il faut de plus en plus d’énergie primaire quelle que soit la région du monde où l’on se place. La croissance
Voir Le monde Diplomatique Janvier 2005..
est exponentielle, la pollution aussi et la seule vraie question à se poser est celle du moment où le n-ième « choc pétrolier » se produira et quelle sera son amplitude. S’agit-il de 15 ans, de 30 ans ou plus9 ? Difficile de répondre à cette question, car il ne s’agit plus d’une question technique, mais d’une question sociale et politique. Tout dépendra de la prise de conscience de ce problème par les citoyens et les instances politiques de la planète. Les auteurs de ces études estiment qu’il ne se passera rien du tout dans les 25 années à venir. Troublant, non ?
3. Plusieurs scénarios caractérisent la période 2030-2050.
D’un côté, un scénario qui prolonge les hypothèses de la période précédente, c’est le scénario de « l’abondance ». À l’opposé, un scénario qui limite les différentes pollutions, dues essentiellement à l’utilisation des énergies fossiles. C’est le scénario dit de la « maîtrise’ .
Ce qui, de plus, caractérise ce scénario est le maintien des énergies primaires telles que nous les connaissons aujourd’hui, tant au niveau des énergies fossiles que des énergies renouvelables, mais avec des volumes de beaucoup inférieurs à ceux du scénario dit de « l’abondance », (près de 40% de réduction). Énergies fossiles :
- Nous retrouvons le pétrole, le charbon, le gaz et le nucléaire à des niveaux de production très inférieurs. Toutefois, la structure de ces énergies primaires les unes par rapport aux autres, reste à peu près la même.
- Énergies renouvelables : là aussi, pas de changement de structure entre les différentes énergies renouvelables, le solaire, la géothermie, l’hydraulique, etc. mais en quantité équivalente à celle du scénario de « l’abondance ».
Se placer par rapport aux besoins réels
Finalement, ce scénario suppose tout simplement la réduction très importante (en volume) de nos besoins en énergie primaire sans pour autant indiquer comment y parvenir, et en faisant l’hypothèse que nos besoins finaux restent satisfaits de la même façon qu’aujourd’hui (ou mieux), tout en faisant l’impasse sur le développement des pays en voie de développement (PVD). La réponse se situe à d’autres niveaux, en particulier politique. C’est bien là l’enjeu ! Il est difficile de souscrire à une telle démarche, en ne raisonnant que sur les énergies primaires, et en ne jouant que sur les volumes. Cela se traduit par une recherche constante de nouveaux gisements de pétrole, de gaz ou de minerai d’uranium. Pour les énergies renouvelables, cela se traduit par une implantation plus importante d’éoliennes, par la recherche de nouveaux gisements géothermiques, par une utilisation plus massive du solaire, de l’hydraulique, etc. Le tout couplé à une stratégie d’investissement capitaliste avec comme objectif principal, parmi tous les investissements possibles, celui où le profit est maximal dans le temps le plus court possible (le fameux retour sur investissement). À ce niveau, la conclusion est simple, le problème de l’énergie, et ceci quel que soit le pays concerné, ne peut se résoudre en ne considérant que la production d’énergie primaire. Il nous faut aborder le problème de l’énergie finale et, par conséquent, commencer à recenser les besoins et agir dessus.
Quelques chiffres.
En France, trois grands secteurs se partagent la consommation totale d’énergie finale :
• le transport sous toutes ses formes, transport individuel, transport collectif et transport routier, représente 32% (on notera qu’en 2003, les automobiles
9 Là se pose la question de savoir si on doit exploiter les ressources sous le permafrost, et à quel coût, tant financier qu’écologique ? La même question vaut pour les schistes bitumineux et le lignite dont l’exploitation extrêmement polluante accélère la destruction de l’écosystème et est néfaste pour la santé publique.
ont assurées 85% du trafic voyageurs, et les camions 79% de celui des marchandises), il y a sans doute là quelques pistes à exploiter ;
• l’ensemble résidentiel-tertiaire représente 43% ;
• l’ensemble industrie-sidérurgie représente 24%.10 Chiffre important : en France l’énergie finale ne représente que 60% de l’énergie primaire. Ce rendement, qui est plutôt faible, s’explique par les pertes dues au raffinage du pétrole brut, du transport de l’énergie électrique, même si on utilise des lignes à très haute tension (voire à ultra haute tension), et par le rendement peu élevé des centrales produisant l’électricité (centrales thermiques ou bien centrales nucléaires11). Quant à la pollution, elle n’est pas en reste, puisqu’elle a augmenté de 20% entre 1990 et 2002 dans l’Europe des 25 à cause essentiellement des transports routiers. Notons que l’émission de CO2 due à la combustion du pétrole représente presque la moitié des émissions totales de CO2 au niveau de la planète.
Encore des chiffres tout aussi révélateurs concernant les transports12 à dépense d’énergie constante :
- Un voyageur en TGV parcourt 4,5 fois plus de distance qu’en voiture et 9,5 fois plus qu’en avion,
- En ce qui concerne les transports urbains, la distance possible serait 11 fois plus grande en tramway13 et 2,5 fois plus importante en bus qu’en voiture,
- Avec la même quantité d’énergie, par rapport au transport routier, une tonne de fret parcourt :
- (a) 5 fois plus de distance par cabotage maritime ;
- (b) 4 fois plus par chemin de fer ;
- (c) 2 fois plus de distance par voie fluviale. Le poids lourd est lui-même 40 fois plus sobre que l’avion-cargo utilisé sur les lignes intérieures14 ! Quant au dirigeable, on ne connaît pas encore le ratio, mais on ne risque rien en disant qu’il est très intéressant, surtout pour les très grosses charges à transporter loin ou à des endroits peu accessibles. Ces chiffres sont suffisamment édifiants pour complètement légitimer une approche du problème de l’énergie par l’étude des besoins en énergie finale et, principalement, en apportant des solutions aux problèmes de chauffage et de transport. Une remarque importante s’impose concernant l’état des lieux :
Il y a un gâchis monumental dans l’utilisation de l’énergie finale. Pour s’en persuader, il suffit d’analyser les chiffres relatifs au transport qui, malheureusement, ne font que s’accroître exponentiellement au fur et à mesure des années. Un exemple caricatural est celui du vertigineux périple des crevettes danoises, acheminées au Maroc pour être décortiquées, bien sûr à bas prix de main-d’œuvre, et réexpédiées au Danemark pour être conditionnées et distribuées15 . Cette situation n’est plus acceptable, le coût réel du transport routier est fortement minoré, les conditions de travail sont très dures et la pollution engendrée est forte. Le même genre d’analyse peut être fait pour le chauffage des locaux résidentiel-tertiaire. Très peu de logements neufs font appel à des solutions techniques et technologiques nouvelles. La plupart du temps, on se contente de procéder à une bonne isolation (voire très bonne) de ces habitats, et on installe un chauffage très classique.16 On ne fait appel qu’à des solutions de
10 Voir Monde Diplomatique de janvier 2005,.
11 Le rendement des centrales actuelles est faible, tout juste 30%.
12 ibidem
13 Dire que le tramway équipait beaucoup de nos villes il y a une bonne cinquantaine d’années et survint le pétrole ...
14 Monde Diplomatique déjà cité.
15 ibidem. Par exemple ; la région (PACA) n’est aucunement motivée par le développement des énergies renouvelables. La presque
type passif, on ne fait pas appel à des solutions actives ou très rarement. N’oublions pas, qu’à l’inverse, nous avons manqué d’énergie pour climatiser les maisons de retraite durant l’été 2003, ce qui a provoqué de gros problèmes de santé aux personnes âgées, pour 15000 d’entre elles. De même, à plusieurs reprises, nous sommes passés tout près d’une panne géante d’électricité. Petit à petit, nos concitoyens prennent conscience de cet énorme gâchis. Mais il se peut qu’il soit perçu comme potentiellement porteur de politiques de restrictions, de contraintes financières. Plane au-dessus de tous ces inconvénients le spectre de la régression ; le mythe du progrès synonyme de plus grand confort, d’accès à une société plus performante17 et plus juste serait devenu illusoire. Ce gâchis a deux causes essentielles :
1) La relation entre énergie finale et énergie primaire était, jusqu’à maintenant, très simple : elle consistait à prendre acte de la consommation d’énergie finale et de sa croissance, pour justifier une croissance équivalente de l’énergie primaire. Tant d’énergie finale en plus, tant d’énergie primaire en plus. Il n’était pas question de la limitation à plus ou moins brève échéance des ressources de la planète en énergie fossile, on l’ignorait ou voulait l’ignorer. Cette prise de conscience est en cours.
2) Une approche exclusivement financière et capitaliste, qui a eu pour but de considérer l’énergie comme une marchandise. À ce titre, elle a un prix, elle peut s’acheter, se vendre et rapporter un profit. Elle peut s’échanger contre n’importe quelle autre marchandise. Les capitalistes ont très vite compris qu’il était difficile de considérer l’énergie comme une banale marchandise. En effet, elle intervient dans toutes les activités de l’être humain18 et à tout moment de sa vie. L’évolution monopoliste du capitalisme s’est trouvée renforcée par ce fait, et nous avons vu très tôt apparaître des monopoles de très grosse taille. Aujourd’hui, ces monopoles sévissent dans le pétrole19, dans le nucléaire20. Depuis quelques années, il est très intéressant de voir des pétroliers investir dans des domaines comme l’isolation, les capteurs solaires et autres équipements correspondants ; si on ne peut plus monopoliser l’accès à l’énergie primaire21, monopolisons l’accès aux équipements. Mais ce n’est pas tout ; monopolisons aussi l’accès à la distribution de l’énergie finale, c’est le cas actuellement des tentatives relatives à l’électricité. De ce point de vue la privatisation en cours d’EDF se fait en dépeçant l’entreprise, le réseau de transport de l’électricité est séparé de sa production.
Quelques pistes pour une politique énergétique responsable.
A. En ce qui concerne le chauffage : Des solutions existent pour diminuer drastiquement la consommation chauffage des bâtiments neufs. Bien sûr, en utilisant une très bonne isolation , mais aussi, en faisant appel à des solutions actives utilisant les énergies renouvelables. Ce type d’énergie peut être utilisée directement (sans transformation, ni transport), et fournir une part importante de l’énergie nécessaire.
totalité des logements neufs sont équipés de chauffage électrique, ce n’est quand même pas la meilleure utilisation de l’électricité ! Il en est de même avec une campagne d’EDF, dans une logique commerciale de privatisation, qui fait une publicité scandaleuse pour inciter au chauffage électrique ! 17 Encore faudrait-il se mettre d’accord sur ce que cela signifie, la charge idéologique du mot étant très forte. 18 En tout cas, dans nos civilisations modernes ; les chasseurs-cueilleurs avaient besoin d’énergie, ils utilisaient celle que le soleil leur donnait à travers les saisons. 19 Notons que les pétroliers font appel à la force pour garder ce monopole. 20 Le lobby pétrolier qui a fait fermer les mines de charbon en mettant un pétrole à prix de dumping (2 à 2,5 $) de 1950 à 1973, a investi massivement dans la technologie du charbon et compte bien s’en servir, c’est une des raisons essentielle pour laquelle les USA ont refusé de signer le protocole de Kyoto. 21 Difficile dans le cas du soleil, du vent, ...
Finalement, il faudra associer plusieurs sortes d’énergie, renouvelable et non renouvelable, mais aussi, plusieurs types d’énergie, c’est-à-dire à action immédiate, ou à action lente, voire différée22 . De toute façon, il faudra utiliser des énergies primaires complémentaires, pétrole, gaz, bois, etc. Par contre, on doit exclure l’utilisation de l’électricité comme moyen de chauffage. L’électricité doit être destinée à d’autres usages beaucoup plus nobles que la production de chaleur. Il y a là beaucoup de travail de recherche-développement à effectuer sur toutes ces techniques et technologies. Le problème reste entier pour l’habitat ancien. Cet habitat, souvent très ancien, n’a jamais été conçu pour minimiser les pertes calorifiques. À moins d’imaginer des solutions de nature « tsunami », il sera très difficile de faire évoluer les choses, en tout cas, rapidement. Seuls de nouvelles technologies, des nouveaux matériaux pourront apporter de bonnes solutions. De toute façon, la maîtrise de la consommation d’énergie dans ce secteur réussira si nous résolvons le problème de l’habitat ancien. Nous voyons là apparaître un aspect nouveau, c’est celui de l’urbanisme. Car, évoquer le problème de l’habitat ancien, a, souvent dans le passé, donné lieu à des changements drastiques de la topographie de la ville française. Pensons, en particulier, à la destruction des remparts. Nos anciens n’ont pas toujours fait dans la dentelle. Il faudrait élaborer une politique extrêmement vigoureuse et concrétisée par des avantages financiers substantiels23. C’est un engagement national et de longue durée. On en est très loin.
B. En ce qui concerne les transports : Comme nous l’avons vu le transport est aujourd’hui le royaume du pétrole. Deux actions devraient être menées en parallèle.
La première est une politique anti-gâchis forte et coercitive, et d’abord mettre fin à la sous tarification du trafic poids lourd et de l’essence. Mais il faut aussi s’attaquer à ce cancer qu’est la mondialisation. Les concepts de gestion tels que « flux tendu », « juste à temps », « zéro défaut » génèrent des stratégies d’entreprise très consommatrice de transports afin d’alimenter les différentes usines d’un même groupe. La notion de stock intermédiaire a complètement disparu. Pire est la généralisation de l’éclatement de l’entreprise en plusieurs unités, unités de fabrication dans les contrées les « plus accueillantes socialement » (main-d’œuvre au coût le plus bas), unités de consommation, et entre ces unités, un système de transport très élaboré pour que l’ensemble fonctionne sans interruption. Non seulement le volume total du transport industriel a augmenté, mais la tâche « transport » est devenue une tâche critique (au sens fort du terme, c’est-à-dire au sens de l’ordonnancement ; du fameux PERT24); si, pour une raison quelconque il y a retard de livraison sur un site donné, la situation de ce site devient critique en quelques heures. D’où les pressions énormes sur la profession des transporteurs routiers, toujours plus vite, toujours plus loin, toujours plus longtemps, toujours moins cher. Revenir à des stratégies plus économiques paraît être la première démarche à adopter. Il faut, bien sûr développer le transport par rail, et là aussi, nous sommes très en retard. Le ferroutage et le fret-rail doivent devenir une priorité absolue. Tout le monde s’accorde sur le fait de développer les transports collectifs dans les
22 Un plancher chauffant est à action/réaction lente, une pompe à chaleur est à action rapide. 23 A minima comme en Allemagne. Le résultat, c’est que l’Allemagne est de loin, la première nation écologique en Europe. 24 Program Evaluation and Research Task.
villes. Aucune volonté politique nationale n’existe, et seules quelques grandes villes ont investi dans ce domaine (en particulier en réinstallant le tramway)25 . Un problème de plus en plus prégnant est la pollution dans les villes qui ne fait qu’augmenter. Nous revenons là au problème déjà évoqué plus haut qui est celui de l’urbanisme. Quant au transport individuel, diviser par un facteur minimum de 2 la consommation de carburant des automobiles ne paraît pas impensable, à terme de quelques années (dans les 5-10 ans). Mais quand on aborde ce sujet de transport, individuel, collectif ou routier, une remarque de première importance s’impose. Il y a d’énormes groupes de pression de la part des constructeurs et des pétroliers qui bloquent les avancées technologiques possibles et on détourne l’attention des consommateurs sur d’autres aspects26. Les constructeurs veulent rester maîtres de la commercialisation de ces nouvelles technologies tant en termes de contenu que d’échéancier. En ce qui concerne le carburant, il faut vivement encourager les recherches sur les biocarburants, en particulier le « biogaz » ou méthanisation des déchets organiques. Maîtrisée depuis un siècle pour diminuer la charge en matière organique des boues de station d’épuration urbaines, des effluents industriels, et plus récemment des déchets organiques ménagers, la méthanisation est une voie de conversion de la biomasse en énergie27. L’avantage de cette solution est qu’elle ne produit pratiquement pas de gaz polluant, le cycle du carbone étant quasiment fermé.
Un des gros problèmes des Français est l’éloignement de leur lieu de travail par rapport à leur lieu de résidence. Ce problème est très important dans les grandes villes, mais il existe aussi pour les villes de moindre importance. Quand, sous prétexte de mondialisation, on ferme une usine, un dépôt ou une antenne commerciale, on propose, dans le meilleur des cas, un reclassement dans un autre site de l’entreprise. Très souvent l’habitat ne suit pas et nous retombons sur un problème particulier de transport, qui ne peut pas se régler facilement en termes de transport puisqu’il s’agit d’un problème politique et social. Nous entrons dans l’ère « Kyoto », cet accord prenant effet maintenant. Que dire de la pollution ? Il ne fait guère de doute que la première réponse à y apporter passe par la maîtrise de la consommation et la production d’énergie.
Essayons de résumer.
L’idée principale est la MAITRISE de l’ÉNERGIE, une des bases de toute civilisation humaine, maîtrise dans sa consommation d’abord, dans sa production ensuite.
- Il faut d’abord faire une analyse de l’existant en termes d’énergie finale. Bien sûr, le résultat de cette analyse ne sera pas du tout le même pour la France, la Chine, le Bénin ou le Vietnam !
- Il faut impérativement bien mettre en évidence dans ces bilans, la part liée à l’énergie et la part de l’environnement politique, social, économique et historique28. Il faut garder à l’esprit les dégâts importants causés par la marchandisation de l’énergie, de la mondialisation, de l’obstruction faite par les
25 On s’est assez moqué dans nos médias des pays socialistes d’Europe qui avaient gardé des tramways ! Voir les chiffres cités plus haut comparant transport collectif et transport individuel 26 Il est de bon ton de parler radar de recul ou d’allumage des phares en plein jour...
27 La méthanisation produit 500 m3 en moyenne de méthane par tonne de matière organique dégradée.
Avec une vingtaine d’installations par département, le gisement potentiellement valorisable en France est de l’ordre de 3,5 M Tep/an, à comparer aux 2,5 M Tep/an produit par le gisement fossile du gaz de Lacq.
Cette estimation (SOLAGRO) prend en compte l’énergie générée -ou susceptible de l’être -par les digesteurs dédiés au traitement de déchets ménagers, agricoles, de cultures énergétiques
28 On ne rase pas un patrimoine, à cause de l’énergie
lobbies de tous poils relative à l’introduction de nouvelles technologies. Sinon, nous tombons dans le piège qui consiste à constater que nous manquons d’énergie et qu’en conséquence, il nous faut en fournir encore plus qu’auparavant.
- Ayant fait un recensement des besoins en type d’énergies finales, remonter aux énergies primaires susceptibles de répondre au problème. En passant tout d’abord par une étape de «solarisation» de nos besoins.
• Cela signifie :
- o qu’il faut d’abord penser énergies renouvelables29, et réinventer une urbanisation ;
- o que dans le cas des transports il nous faut penser économie, par exemple exprimée en kilogrammes équivalent pétrole par habitant, et réinventer le transport avec de nouveaux moyens (transport de marchandises), mais aussi en repensant la relation habitat-lieu de travail.
Les chiffres donnés sont globaux et sont relatifs à l’énergie primaire, c’est-à-dire, pour la planète entière et par grand groupe de pays. Il est évident qu’une politique dans ce domaine nécessiterait une analyse fine, à plusieurs niveaux des besoins réels, pays par pays, région du globe par région. Les besoins énergétiques et les ressources ne sont pas de même nature en Laponie et en Inde. De plus, une politique énergique et certainement coercitive par certains aspects doit être menée contre les productions et consommations parasitaires. Par exemple dans le domaine du transport individuel, il est inepte de commercialiser au grand public des voitures surpuissantes ou inadaptées à l’usage courant, comme noté ci-dessus ou encore du type « Logan » qui est une voiture à très bas prix et construite par une main-d’œuvre PVD. Cette voiture est de technologie simple, vieillotte, elle consomme et elle pollue, on est revenu aux années 60. Pour faire simple, voiture PVD, pour des pays PVD, construite par des PVD, et qui pollue PVD et distribuée en France pour les populations qui sont entrain de se paupériser.
- Le second point réside dans le fait que la route du pétrole nous est aujourd’hui quasiment « coupée ». La stratégie des USA est telle qu’ils sont en train de verrouiller tous les accès aux puits du Moyen Orient (quels que soient les pays concernés). Exception pour la Russie qui a encore ses propres richesses30, et peut-être la Chine.
- Autrement dit, le pétrole nous est compté. À regarder de près, la route du pétrole nous est coupée, la route du charbon est interrompue depuis quelques années (s’il y a une nouvelle route du charbon, elle n’est pas prête), la route des énergies nouvelles est vue comme trop simpliste, la route du nucléaire est très bien vue en France, mais elle n’est pas évidente31. Bref,
29 Entre la Suède et la Grèce, on ne fera peut-être pas appel aux mêmes énergies renouvelables, toutefois l’expérience menée dans la ville de Fribourg en Allemagne mérite d’être étudiée de près. 30 Du moins jusqu’à ce que les USA s’intéressent à l’élection ukrainienne...
ITER ne résoudra rien à court ou moyen terme. On peut même se demander si c’est une bonne chose que la France se lance dans ce programme (est-il innocent que les USA s’en soient retirés et que les japonais n’aient pas insisté plus que ça, pas plus que les espagnols ?), d’autant plus qu’est déjà menée en France une recherche sur la fusion par confinement inertiel avec le laser mégajoule. Ça fait plus de quarante ans que des recherches sont menées sur la fusion thermonucléaire et on en est toujours à promettre des résultats pour … dans cinquante ans. Il faut citer ici le rapport (en 2001) de l’ancien haut commissaire à l’énergie atomique, Robert Dautray, devant l’académie des sciences : "pour le moment la fusion thermonucléaire ne peut pas encore être comptée avec certitude parmi les sources industrielles d'énergie n'est-ce pas plutôt un sujet d'étude de physique important auquel il faut assurer un soutien constant, persévérant et à long terme, comme on le fait dans bien d'autres domaines de la physique dans le cadre général des recherches" Il serait sans doute plus judicieux de développer des surgénérateurs, technologie à portée de main (mais là aussi, attention au danger), qui nous donneront le temps (en milliers d’années, ça donne de l’air non ?) de mener à bien les recherches sur l’éventuelle fusion, et aussi sur d’autres sources d’énergie, en particulier renouvelables. Ceci dit la « mise de fond » française dans ITER n’est pas pharaonique, elle est de l’ordre de 9 milliards d’€ (les jeux olympiques auraient sans doute coûté plus cher). En tout état de cause, vu la dangerosité de la solution nucléaire, il faut en limiter l’usage au strict nécessaire, c’est-à-dire après avoir développé tout ce qui est
nos politiques laissent le champ libre aux grosses compagnies détentrices du monopole actuel du pétrole, du gaz, du nucléaire, pour définir ce que sera l’énergie dans 25 ans. Pour ce faire, on organisera la pénurie, les prix augmenteront, les profits se porteront bien. Le capitalisme réagit à un problème donné par rétroaction, en proposant de nouvelles marchandises pour régler le problème. Aujourd’hui, et pour les 15-20 ans qui viennent, il faut raisonner sur les énergies finales dont nous avons besoin, établir une nouvelle relation dialectique entre énergie finale et énergie primaire, et en tout état de cause limiter la consommation d’énergie fossile. Le gâchis reste monumental, peut-être pas autant qu’aux USA, mais il faut y répondre par des politiques courageuses et nécessairement coercitives. Enfin, repenser l’urbanisme et le social, c’est peut-être le chantier du siècle...
Outre le fait qu’il faut donner un autre contenu au mot croissance32, il est clair, qu’il faut fortement encourager la mise en place de systèmes énergétiques basés sur les énergies renouvelables33, la biomasse en particulier34. Il faut agir pour l’élimination des gaz carbonique, de l’oxyde de carbone, du méthane rejeté dans l'atmosphère et de l’ozone. Un développement de ces technologies est absolument nécessaire, elle nécessite une mobilisation générale pour la recherche vu l’ampleur des problèmes, mais il faut d’abord une volonté politique ; elle n’existe pas en France actuellement. Chercheurs, ingénieurs, architectes et urbanistes à vos laboratoires, ateliers, crayons et ordinateurs ! Citoyens, mettez en place des politiques responsables, prenez vos affaires en mains.
possible de l’être en termes d’énergies renouvelables. 32 Une croissance de la consommation de 3% l’an conduit au bout de trente ans au doublement des prélèvements énergétiques et des émissions de polluants, ce n’est plus acceptable ! 33 Une source d’énergie peu citée mais potentiellement riche, à condition de développer les technologies adéquates, c’est le gradient thermique des océans. 34 Ce qui conduirait à une remise en culture de nombreux territoires ainsi qu’à un nouveau développement des campagnes et d’une nouvelle paysannerie.
[1] Ainsi que toutes les armes de destruction massive qui tuent parce qu’elles polluent énormément, que ce soit au plan bactériologique, chimique, par rayonnement, ou météorologique.