Science et pouvoir
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Je dois ici rendre hommage à Jean-Pierre Kahane et Evariste Sanchez-Palencia dont j’ai pillé sans vergogne aucune les textes qu’ils ont bien voulu mettre à ma disposition.
Université des pays de l'Adour, Marmande 24 février 2015
Science et pouvoir, pouvoir et science, pouvoir de la science.
Dès l’antiquité la science et la technique ont été associées au pouvoir. La chronique raconte que durant les guerres puniques, pendant le siège de Syracuse (-215), Archimède aurait mis au point des miroirs ardents qui mettaient le feu aux bateaux romains, ainsi qu’une série de catapultes (afin que les Syracusains puissent défendre la ville contre les Romains) sur le principe des leviers. Ces machines étaient capables de lancer sur les ennemis et leurs vaisseaux des pierres ou des boulets de plomb de poids gigantesques. Elles pouvaient également projeter des pluies de flèches . La puissance de ces jets était réglable et pouvait atteindre des cibles très éloignées ou très proches. Il aurait également mis au point d'énormes grues capables de soulever les bateaux romains, pour ensuite les laisser retomber violemment sur les rochers où ils se brisaient etc…
On notera toutefois que si Archimède fut un grand savant, comme le furent bien d’autres après lui avant l’ère moderne, c’est non seulement parce qu’il était « le fils de son père » l’astronome Phidias, mais aussi parce qu’il était suffisamment riche pour ne pas avoir à se préoccuper de son confort matériel et intellectuel.
Au dix-huitième siècle, le pouvoir promeut la recherche scientifique pour améliorer le commerce et la santé publique mais aussi la marine et l’art de la guerre.
La fondation de l’Observatoire et les subventions accordées à la recherche en astronomie ont ainsi pour but de résoudre l’épineux problème du calcul des longitudes qui traverse tout le XVIIIe siècle. Ce calcul doit permettre d’éviter les trop nombreux naufrages et de connaître précisément sa position sur l’océan.
La domination des mers est alors un enjeu crucial pour la France : commercial mais aussi stratégique ! Et la recherche sert très souvent des ambitions économiques et militaires. Enfin, le pouvoir souhaite que la science se penche aussi sur des problèmes de santé publique ou qu’elle œuvre à combattre les famines. En 1729, sous le règne de Louis XV, à l’initiative du médecin Dodard, est créée la Commission des remèdes. Il est à remarquer qu’elle est presque entièrement composée des médecins du roi. Le roi, justement, est parfois étroitement mêlé aux recherches médicales. Ainsi l’inoculation (variolisation) de Louis XVI (1774) joue un rôle prescripteur. Ainsi, afin de lutter contre la famine, Versailles et Trianon servent de laboratoires aux recherches sur le combat contre les parasites et l’accroissement de la productivité : acclimatation du riz, développement de la culture des courges, expériences sur la corruption du blé, lutte contre la nielle, mise en place de la culture de la pomme de terre avec Parmentier...
Mais revenons à l’époque moderne.
L’année 2014 s’est terminée sur la conclusion de l’un des trop rares grand projet « gratuit » de recherche, l’exploration de la comète Churyumov Gerasimenko, programme qui a mobilisé des chercheurs pendant plus de deux décennies, l’origine en étant en fait le programme Comet Nucleus Sample Return en 1986, sans doute l’un des derniers grands projets mobilisant autant de chercheurs et techniciens au plan européen et français en particulier. J’ai dit projet « gratuit », pas en termes financiers, ça coûte cher, 1,3 Milliards d’€ au bas mot quoique sur 20 ans, c’est beaucoup moins que la fraude fiscale des grandes fortunes, mais gratuit au sens que la problématique n’en est pas utilitaire au sens strict, mais une volonté de connaissance pure, le petit prince n’est pas mort.
Mais cette année 2014 a marqué aussi la commémoration du 100è anniversaire du début de ce qui allait être la première grande boucherie mondiale, je vais emprunter ici à une intervention de Jean-Pierre Kahane.
Techniquement, la guerre de 1914 a été la guerre des explosifs, c’est ce qui l’a rendu effroyable ; les blessures dues aux fragments et éclats d’obus étaient bien pires que les blessures par balles. La production des explosifs reposait sur celle de l’acide nitrique (le TNT, Trinitrotoluène entre autres et la cordite), et la production de l’acide nitrique reposait sur les nitrates du Chili. En 1913, l’Allemagne importait 800 000 tonnes de nitrates du Chili. Après le début de la guerre, le blocus empêchait l’approvisionnement en nitrates. On aurait pu penser que l’Allemagne serait ainsi mise à genoux ; mais non. On peut tirer l’acide nitrique de l’air, c’est de la bonne chimie, qui a été consacrée par un prix Nobel (1918) à Fritz Haber (1868-1934), le même qui a initié la guerre des gaz en créant l’ypérite, en violation des conventions de Genève, provoquant ainsi entre autres choses, le suicide de sa femme Clara Immerwahr, chimiste elle-même, horrifiée par ce dévoiement de la science qui ouvrait la voie au Zyklon S de triste mémoire. L’industrie chimique allemande a su mettre en œuvre les procédés découverts par les savants. L’Allemagne a tenu bon grâce à ses chimistes.
Un rapport établi au lendemain de la guerre évalue le nombre de chimistes allemands avant la guerre à plus de 30 000, et le nombre de chimistes français à 2 500. La disproportion est effarante, plus de 1 à 10. Le rapport indique aussi, je cite, que « les savants français, et en particulier les chimistes, eurent à leur disposition, pour coopérer à la victoire, des moyens de travail, tant en personnel qu’en matériel, qu’aucun d’eux ne connut jamais, même de très loin, avant la guerre ».
Mais les savants français n’étaient pas en reste à se laisser embrigader dans la guerre. En 1913, le 1er avril (ça ne s’invente pas) paraissait le n° 1 de La Science et la Vie qui allait devenir Science et Vie, dans lequel le grand savant Gabriel Lippmann, Nobel de physique de 1908 pouvait écrire :
"Le boulet rond et le canon de bois, ont suffit pour détruire le morcellement féodal et donner l'essor aux grandes nations. Aujourd'hui nous sommes plus avancés : nous avons une technique si perfectionnée que pour en tirer parti et surtout pour les perfectionner davantage, ce qui devient pour chacun une nécessité, il faut à chaque pays une foule de soldats suffisamment intelligents, d'officiers instruits, et par conséquent de corps savants et des écoles de haut enseignement bien organisées.
De plus, tout cela coûte horriblement cher, même en temps de paix. Aussi faut-il, pour porter le fardeau croissant des milliards, des revenus considérables ; c'est-à-dire une forte industrie ; c'est-à-dire un grand nombre d'industriels éclairés, de commerçants qui comprennent leur siècle ; il faut, en un mot, une classe bourgeoise cultivée"
Mais si cette guerre fut celle des explosifs, elle fut aussi celle de la radioscopie aux rayons X grâce à Marie Curie qui sauva très probablement des milliers de vies, et de la psychiatrie qui dès lors prit un tour nouveau. De même en est-il de la vaccination de masse (Javillier-Bertrand), la variolisation l’avait précédée dans la Grande armée napoléonienne.
Je n’ai pas besoin d’insister : la science est nécessaire à la guerre.
Mais la science et la technique structurent les sociétés ; une société de chasseurs cueilleurs ne saurait être structurée comme une société de métallurgistes.
Le métal se digérant difficilement, les métallurgistes sont bien obligés d’échanger, de commercer, pour manger ; dés lors la société se structure différemment.
C’est ce qu’exprime Karl Marx dans sa Contribution à la critique de l’économie politique quand il écrit, je cite : « …l’histoire de l’humanité est celle de ses forces productives… » ou encore « la science devient une force productive directe ». De même, on connaît aussi tous l’apostrophe de Lénine sur le socialisme en Russie «C’est le pouvoir des soviets et l’électrification du pays tout entier » !
Certains d’entre nous se souviennent ici du rôle que l’URSS donna à la science, parfois même un peu exagéré, voire dogmatique comme en témoigne l’affaire Vavilov (Lyssenko), et du niveau d’excellence de son école scientifique.
Plus près de nous, la stratégie mondiale de domination des USA s'appuie sur quatre piliers, selon l'aveu même des dirigeants US.
1) Le contrôle des ressources énergétiques de la planète ;
2) l'arme alimentaire, par les OGM en particulier et accessoirement le GATT, l'OMC; la banque mondiale, le FMI ;
3) le contrôle total de l'information sous toutes ses formes (en particulier des TIC), d’où Google et plus généralement, le contrôle de l'innovation technologique. A cette fin fut créé le PITAC (President's Information Technology Advisory Committee.) à ligne budgétaire ouverte, qui pointe un certain nombre d'objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre pour ce faire afin de dominer le monde ;
4) le contrôle des flux financiers.
Les années 1990 sont celles de l’émergence d’internet, et du web pour le grand public. L’apparition massive, explosive devrais-je dire des pages Web a nécessité la mise au point de logiciels susceptibles de fournir rapidement l’accès aux pages pertinentes. Ainsi sont apparus les moteurs de recherche.
Mais dans le même temps, si les moteurs de recherche fournissent un service gratuit, ils récupèrent au passage nos données.
Lorsqu’un service est gratuit ou très bon marché, c’est que c’est vous le produit !
Les dits moteurs de recherche traitent, stockent et exploitent les requêtent des internautes. Ils peuvent en élaborer des profils permettant de cibler des publicités pour les individus, mais aussi en tirer des informations concernant des populations entières comme les épidémies, ou encore de connaître l’état d’esprit d’une population et de mieux cibler la guerre idéologique.
C’est au début du siècle que cet essor du traitement des données se manifeste en grand, en particulier avec les réseaux sociaux qui font tomber toutes les barrières de la vie privée et des données personnelles. Ainsi si vous mettez des photos personnelles, y compris intimes, sur des sites dans les nuages sachez que ces photos sont alors dans le domaine public et utilisables et diffusables par le fournisseur du service. Toutes les données personnelles générées par les systèmes que nous utilisons, y compris à notre insu, sont aujourd’hui au cœur de l’économie.
Les données, personnelles ou non, sont devenues une matière première, au même titre que les données minérales comme le pétrole ou les minerais, à la différence que ces dernières sont localisées, dépendantes de leur situation géographique, ce qui n’est évidemment pas le cas des données.
Pour les données sur le réseau, on les collecte sur les sites où elles sont produites, les ordinateurs personnels ou d’entreprise, et on les concentre dans des centres de traitement complètement délocalisés, détenus par des multinationales US telles Google, Amazon ou Facebook qui concentrent entre 80 à 85% des données physiquement aux USA.
Le 3 janvier 2015, la Federal Trade Commission des USA a pris décision de ne pas poursuivre Google pour abus de position dominante pour la façon dont son moteur de recherche favorise systématiquement ses propres produits et services de vente en ligne favorisant ainsi, de fait et de juré, la tendance lourde à la position dominante US dans la concentration dans l’industrie de la donnée.
Google sait aujourd’hui plus de choses sur la réalité et l’économie françaises que l’INSEE.
Le réseau social Facebook permet une authentification des personnes qui n'a pas d'égale en qualité et pourrait devenir incontournable. Le Royaume-Uni envisage d'ailleurs de l'utiliser pour l'accès aux services publics en ligne. La maîtrise des données est en fin de compte liée à la sécurité et à l'indépendance nationales.
La captation des données tant personnelles que collectives est une priorité absolue de l’administration états-unienne.
Mais il n’y a pas de science sans scientifiques, il n’y a pas de guerre uniquement avec des tranchées et des canons, d’ailleurs d’aucuns rêvent d’une guerre sans soldats, une guerre de robots, science encore, c’est le rêve US de guerres sans mort états-unien. Obama fait bien tuer depuis son bureau ovale des ennemis par drones interposés. Mais il y a aussi une guerre économique en système capitaliste, la fameuse compétitivité c’est en fait une déclaration de guerre à « l’autre ». En effet on est compétitif par rapport à d’autres qu’on destine donc à la négation, au chômage. Toute nation qui néglige sa recherche, ou qui confond recherche et innovation et néglige donc aussi ses scientifiques est condamnée à terme au déclin, c’est aujourd’hui malheureusement le cas de la recherche française. Le court terme y est six mois, le terme dit normal un an (un exercice budgétaire !) et le long terme trois ans ! Il est à peu près certain qu’aujourd’hui il n’y aurait pas de crédit pour se lancer dans une aventure comme celle de l’accélérateur de particules du CERN, ni d’exploration de la comète Churyumov Gerasimenko, à ce propos je vous rappelle que le projet a démarré en 1986.
On a assisté au cours des années 60 du siècle dernier à la grande explosion de l’emploi scientifique. Le phénomène était mondial. Et il tenait pour l’essentiel à la rivalité entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. Après le Spoutnik et Gagarine, le président Eisenhower avait fait étudier les moyens pour les Etats Unis de rattraper les soviétiques dans la course à l’espace.
Le retard devait être comblé, et la conclusion a été qu’il fallait un effort massif pour recruter et bien payer les universitaires scientifiques.
Ainsi l’essor de l’emploi scientifique, dans cette période, a été associé à la lutte pour l’espace, forme civilisée de la guerre froide.
Comme le pointe Evariste Sanchez-Palencia dans son ouvrage « Promenade dialectique dans les sciences », il y a des expériences ou des programmes qui nécessitent énormément d’argent ; on appelle parfois cela big science ; il s’agit par exemple du grand télescope international de La Silla au Chili, des accélérateurs de particules du CERN et bien d’autres. Il faut d’importants financements, qui exigent le plus souvent des scientifiques de faire miroiter de grandes découvertes qui donnent du prestige à certains décideurs en place, ou, mieux encore, d’utiles retombées pour l’industrie et l’économie.
Ce sont des investissements fabuleux avec un objectif précis. L’un des plus fameux est sans doute le «Projet Manhattan» qui a entraîné la construction des premières bombes atomiques. Il y a eu ensuite le «Programme Apollo», lancé par le président Kennedy le 25 mai 1961, visant à envoyer un homme sur la Lune avant la fin de la décennie.
Le premier a atteint son but initial de disposer d’armes atomiques et a eu des retombées prodigieuses :
utilisation contre le Japon et atout maître dans la guerre froide qui démarrait. Churchill pressait Truman de l’utiliser contre l’URSS.
Le deuxième aussi : le 21 juillet 1969, le premier homme sur la Lune était issu du programme Apollo, lavant l’affront des premiers satellites artificiels et premiers cosmonautes soviétiques, alors même que la maîtrise de la technologie des lanceurs s’inscrivait tout naturellement dans l’équilibre de la terreur.
Le président Nixon a dû penser qu’il n’y avait pas deux sans trois, et a signé le 23 décembre 1971 le « National Cancer Act 1971 » (Public Law 92-218), assorti de moyens et budget de rêve, dont l’objectif affiché était de vaincre le cancer pour le bicentenaire de l’indépendance américaine. Il a donc estimé que vaincre le cancer était une affaire de cinq ans. Bel optimisme, quand mettre un homme sur la Lune avait pris huit ans ! La dure réalité s’est vite imposée au volontarisme de Nixon et ses conseillers : des sommes gigantesques ont été gaspillées avec un rendement dérisoire en matière d’avancées contre le cancer. L’euphorie initiale est vite retombée et les engagements ont été discrètement abandonnés à l’approche du 4 juillet 1976, échéance gênante.
Vous avez probablement oublié ces événements, ou, si vous êtes jeune, vous ne les avez jamais connus ; en revanche, vous savez bien que le cancer n’est toujours pas vaincu, que des progrès énormes ont été faits depuis 1971 dans la lutte contre le cancer (ou plutôt les cancers), et que ces progrès ne sont pas particulièrement concentrés entre 1971 et 1976. De nos jours, il y a des « plans cancer » dans de nombreux pays, mais cela n’a rien à voir avec la Public Law 92-218 ; ce sont des budgets affectés à une recherche que l’on sait longue, polymorphe et hasardeuse. Le 4 juillet 1976 on a fêté le bicentenaire de l’indépendance des États-Unis d’Amérique, pas la victoire sur le cancer.
Pourquoi «Manhattan» et «Apollo» ont-ils réussi et le «National Cancer Act 1971» échoué ? N’en était-il pas la copie conforme ?
– Non, il en différait sur un point essentiel : Le projet «Manhattan» est issu de la fameuse lettre d’Albert Einstein, Leo Szilard, Edward Teller et Eugen Wigner, à Roosevelt du 2 août 1939 qui faisait état de la faisabilité réelle, au point de vue scientifique, des armes atomiques (d’où le danger que l’Allemagne nazie les développât), si bien que l’enjeu se situait à un niveau technique et industriel, nécessitant des moyens colossaux, mais dont les grandes lignes ne mettaient pas en œuvre des faits scientifiquement inconnus lors du lancement du programme. Il en était de même du projet « Apollo » ; la possibilité réelle de mettre et récupérer des hommes sur la Lune était acquise et l’enjeu s’inscrivait plutôt dans une course de vitesse avec l’Union Soviétique pour développer et maîtriser des lanceurs puissants et des techniques
d’alunissage et décollage. On n’était déjà plus dans la science au sens plein du terme, mais dans la technique et la technologie ; «Manhattan» et «Apollo» étaient des programmes de développement et non de recherche.
Bien au contraire, «vaincre le cancer» était - et reste - un véritable défi scientifique : personne ne savait (ni ne sait)
comment s’y prendre. Qui plus est, la nature même du problème est scientifique, puisqu’on ne sait pas vraiment ce qu’est un cancer, ni comment et pourquoi il se développe.
La recherche fondamentale ne signe pas un chèque en blanc sur l’avenir, ainsi par exemple en est-il de la démonstration de ce qu’on appelle le grand théorème de Fermat qui date de 1638, il faudra attendre 1994 pour en avoir réellement la démonstration.
Rappel du théorème : l’équation x^n + y^n = z^n,qui se lit x puissance n plus y puissance n égal y puissance n n’admet pas de solution pour x,y,z entiers supérieurs à « 1 » et n entier supérieur à 2.
Fermat l’avait démontré pour n=4 et Euler pour n=3, Dirichlet et Lejeune pour n=5, et Dirichlet encore pour n=14, mais le cas général n’a été démontré qu’en 1994 par Wiles, et c’est grâce à cette démonstration que les transactions financières sur internet sont sécurisées, il est peu probable qu’en 1638 Fermat ait voulu sécuriser les transactions financières sur internet.
Il y a un autre aspect aussi, plus pernicieux aux relations entre science et pouvoir ; pouvoir au sens large s’entend, c’est le problème des brevets. Prendre un brevet signifie en fait stériliser toute une partie de la recherche qui a précédé et in fine permis cette découverte ou ce développement, et comme la notion de brevet tend à s’étendre en bonne logique libérale, on fait prendre un maximum de brevets aux laboratoires de recherche. On n’est plus aujourd’hui dans le régime des brevets des années 39 lorsque la guerre menaçait et que Frédéric Joliot prenait le brevet n° 445686, classé secret défense par Daladier, brevet qui était celui de la bombe atomique, qui mènera au limogeage de Joliot du CEA dix ans plus tard pour son refus de construire ladite bombe.
Systématiser le principe du brevet et du secret, financiariser l’activité scientifique (il faut payer aujourd’hui pour être publié dans une bonne revue, et payer encore pour accéder aux articles) c’est stériliser la recherche. La recherche se nourrit essentiellement de la circulation des idées, c’est ainsi qu’on a vu apparaître des initiatives comme Hal ou ArXiv.
On sait bien qu’aujourd’hui la justification de la recherche scientifique dans les traités européens est qu’elle fournit les bases scientifiques de la compétition économique.
Cet état de fait éclaire la politique de la recherche suivie par notre gouvernement, fi de la recherche fondamentale, on ne ferait sans doute pas Iter, ni Rosetta, ni le grand anneau du CERN aujourd’hui, le boson de Higg n’est pas coté en bourse.
La guerre devient plus difficile parce que la science enveloppe tous les peuples dans un réseau multiplié, dans un tissu plus serré tous les jours de relations, d’échanges, de conventions ; et si le premier effet des découvertes qui abolissent les distances est parfois d’aggraver les froissements, elles créent à la longue une solidarité, une familiarité humaine qui font de la guerre un attentat monstrueux et une sorte de suicide collectif". J. Jaurès