De l'innovation comme marqueur de dégénérescence

  • Yvan Lavallée

La nouvelle injonction : Innovation

L’innovation, c’est la transformation d’une idée, plus ou moins originale, en source de profit c’est le business innovant, c’est être plus compétitif que «l’autre» pour faire du profit sur un court laps de temps.
Innovation renvoie en fait à valeur d’usage dans deux contextes différents, mais avec une même cause, la transition numérique à l’œuvre.
Pour l’essentiel tout ce qui est objet (palpable) de consommation courante
peut être produit sans, ou très peu, d’intervention humaine, automatiquement et donc à valeur d’échange quasi-nulle.
Le degré d’automatisation est devenu tel que le taux de profit tend vers zéro, il y a de moins en moins de force de travail humain à exploiter. Plus rien ne distingue fonctionnellement une voiture d’une autre, ce qui fait que la valeur réelle d’un tel produit, c’est son coût de production matérielle, et la concurrence aidant, le prix y tend, si ce n’est telle ou telle innovation qui permet d’obtenir un avantage concurrentiel, lequel sera toujours très bref. Encore faut-il que cette innovation rencontre un public, d’où une économie de l’offre[1] et le rôle de la publicité qui est destinée à vous convaincre d'acheter ce dont vous n'avez pas nécessairement besoin. L’innovation c’est une valeur d’usage au service de la valorisation du capital lorsque le taux de profit tend vers zéro, c’est un marqueur de la dégénérescence de la société capitaliste industrielle.
En informatique, et donc sur internet, ce qu’on manipule, ce sont des données.
Données et innovation : les données possèdent une double nature, à la fois armes concurrentielles et supports d’activités. Les données en tant que connaissance et éléments de pouvoir, c’est là leur valeur d’usage, deviennent marchandises. Le support physique et logique en est les réseaux en général, internet en particulier et les plateformes logicielles qui y résident les acteurs, ce qui autorise à parler d’un capitalisme de plateformes. La spécificité de la marchandise «donnée» c’est qu’elle n’a quasiment qu’une valeur d’usage. Une donnée est d’abord recueillie, «produite», bien souvent collectée sur internet à partir de l'activité des internautes, elle sera ensuite actualisée régulièrement. Elle peut alors être multipliée, copiée et diffusée, automatiquement. Du point de vue de celui qui en assure l’accès, comme pour celui qui en use, elle atteint une valeur unitaire marginalement nulle. Ceci encourage sa diffusion et au-delà des usages multiples à partir des informations qu’on peut en tirer. D’où le maître mot innovation, il faut à la fois constamment renouveler et accroître les données afin de faciliter le développement d’activités nouvelles potentiellement sources d’usage de produits marchands, donc innover constamment.
Sur les réseaux, l’innovation est produite par les internautes, d’où la nécessité de «libérer» cette capacité à innover vite, et accroître la rapidité de circulation, tout en cassant tous les cadres légaux susceptibles d’entraver cette innovation, et en particulier les cadres dans lesquels le capitalisme de la phase industrielle s’est développé et qui a aussi été façonné dans notre pays par les luttes de classe du monde du travail. Et voici monsieur Macron pourquoi votre fille est muette.

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