Cyber Révolution

  • Yvan Lavallée

Cyber Révolution

 

 

La Cyber Révolution c’est la dialectique à l’œuvre dans la société informatisée en réseaux !

 

Le progrès de la science et de la technique modernes resserre chaque jour davantage les liens entre la science et la production. Le rôle considérable de la science et de la technique en tant que forces productives s'affirme avec toujours plus d'évidence.


Deng Xiaoping (Conférence nationale sur les sciences, 18 mars 1978)

 

 

La Cyber Révolution[1] est la fille de la Révolution scientifique et technique, de l’informatique, de la cybernétique, et de la révolution numérique, elle n’est possible sans l’une ni l’autre, elle est une conséquence logique et nécessaire de l’une et de l’autre, mais elle est bien plus.

 

La convergence opérationnelle de la cybernétique et de la révolution numérique conduit à avancer ce concept nouveau de Cyber Révolution concept qui ne se réduit à aucun autre et permet de comprendre les mutations à l’œuvre, tant sociétales que scientifiques et technologiques en les considérant comme un tout, un système unique.

 

La révolution scientifique et technique[2] (RST)

 

Quel que soit le sentiment que nous éprouvions face au courant ininterrompu de changements survenant dans la science, la technique et la civilisation de notre époque, il est certain que leurs répercussions s’intensifient de plus en plus dans le monde entier et que leur profondeur est toujours plus sensible. Ces changements intéressent aussi bien les techniciens de fabrication que le caractère du travail et les formes de la vie humaine. (…) [3]

 

Le concept de Révolution Scientifique et Technique est dû à Lord John Daniel Bernal[4] en illustration de la thèse de Marx selon laquelle la science est devenue une force productive directe et de ce fait, in fine  l’histoire de l’humanité est celle de ses forces productives.

 En 1968 Radovan Richta publiera La civilisation au carrefour[5] Marquant un changement qualitatif dans la révolution scientifique et technique et montrant comment elle aurait pu prendre un autre tour et devenir une force productive typiquement libératrice et permettre à l’expérience socialiste en cours en Europe de l’est de prendre un nouveau cours.

La Cybernétique

Deux des avancées scientifiques majeures du XXe siècle sont respectivement La machine de Turing en 1936 et la Cybernétique.

Ce sont d’abord des modèles théoriques. Ils fondent nos machines modernes, ainsi que le système productif qui se déploie actuellement, de même ils régissent aujourd'hui pratiquement tous les aspects de la vie en société.

L’universalité de l’un et l’autre modèle fut rapidement perçue, au-delà du besoin ressenti, au virage des années 30 du XXe siècle, de calculs scientifiques toujours plus importants et de nouvelles machines pouvant affronter des problèmes que la machine-outil ne pouvait résoudre. Le modèle de la machine de Turing fut vite compris comme un moyen de penser/calculer, avec une approche jusqu’au vivant, aux sociétés - largement au-delà des usages classiques des statistiques- .

Le modèle de Turing promit immédiatement l’élargissement de l’usage des mathématiques dans toutes les activités scientifiques et de connaissances. Il ouvrit aussi la voie à l’informatique en tant que science, à la fois science du calcul mécanique et industrie

Le modèle cybernétique devint lui l’objet fondateur d’une science.

La cybernétique est la science du contrôle des systèmes, vivants ou non, fondée en 1948 par la publication du livre éponyme du mathématicien américain Norbert Wiener. En France, c’est Louis Couffignal[6] qui diffusera ces idées et concepts, montrant ainsi comment le cerveau de l'homme peut être prolongé, de la même façon que ses mains l'ont été lors de l’élaboration de tous ses outils.

Notre monde est intégralement constitué de systèmes et de relations, vivants ou non, imbriqués et en interaction. L’interaction est un moyen pour tout système de réagir ou d’agir, soit sur son environnement, soit sur lui–même, voir les deux à la fois. Peuvent ainsi être considérés comme des "systèmes": une société, une économie, un réseau d'ordinateurs, une machine, une entreprise, une cellule, un organisme, un cerveau, un individu, un écosystème, le climat…

Les ordinateurs et toutes les machines de traitement de l’information que nous connaissons aujourd'hui sont des machines cybernétiques et ressortissent au modèle de la Machine de Turing. La cybernétique est la science de la régulation des systèmes, tant vivants ou sociaux que mécaniques, elle fournit des méthodes puissantes pour généraliser la notion de régulation (feedback, rétroaction) utilisée très tôt dans l’industrie (Watt et la machine à vapeur) à tout ce qui peut être compris, vu comme système dynamique, réactif, adaptatif : le vivant, la société, l’économie...

La RST se cybernétise

Il devient dès lors clair que certaines fonctions du cerveau humain peuvent être simulées, voire stimulées, par les ordinateurs, le passage à la production et l’exploitation de ces nouvelles possibilités va être extrêmement rapide a l’échelle historique, en liaison avec l’augmentation de puissance des ordinateurs, ce qui va tout d’abord reconfigurer le système technique issu de la Révolution industrielle en y introduisant de façon massive l’automatisation des procès industriels et maintenant le remettre en question et provoquer l’émergence d’un nouveau système industriel basé lui sur l’automation, bousculant l’organisation même de la vie sociale, ouvrant des domaines complètement nouveaux, posant de nouveaux problèmes tout en offrant des possibilités nouvelles elles aussi de résolution des dits problèmes.

Les sociologues de RDA[7] puis soviétiques[8], après une courte période d’interrogations, ont vite compris que la cybernétique était non seulement compatible avec le matérialisme dialectique, mais qu’elle en était une illustration et pouvait être un outil incomparable pour une économie socialiste. Dès 1951 Georg Klaus en RDA commence à écrire sur la cybernétique. En 1960, c’est dans l’organe central du SED qu’il s’exprime, mettant en avant les aspects «hors production matérielle» et donc sociaux[9] de la cybernétique sociale. En 1960, le même Klaus[10] montre comment faire jouer un ordinateur aux échecs. Dès 1961 l’aspect impact sur la société dans son ensemble est pointé explicitement dans la littérature est-allemande, Rainer Thiel soutient sa thèse sur ce thème[11] ; la Cybernétique étant la science des rétroactions, tant matérielles dans des mécanismes que dans la société à partir du moment où on parle Kybernetic, on prend en compte ces aspects puisque la machine, le système peut reproduire, anticiper de manière inédite certaines interactions dont un homme « calculant » est capable face à une situation, voire faire mieux que lui, simulant ainsi des activités intellectuelles dans des machines et les jeux qui sont le domaine de prédilection pour tester les capacités de traitement des connaissances des machines, seul le vocabulaire change.

Contrairement à une idée trop répandue, les soviétiques prennent très vite l’exacte mesure de la cybernétique et nombre d’articles fondateurs en témoignent, comme en témoigne à l’époque la revue La Pensée[12]. Dès lors, les activités de l’intellect prennent une part croissante dans la production de marchandises (concept de système d’information d’une entreprise) et comme noté supra la part d’immatériel dans la production va crescendo et devient déterminante. Du strict point de vue du capital, le centre de gravité de la création de valeur est déplacé de l’atelier aux taches en amont, supervision, logistique, de prévision-anticipation-prospective etc.

Dès cette époque, ces éléments nouveaux sont intégrés au concept de révolution scientifique et technique qui ne se limite pas aux seuls aspects techniques mais contient bien plus au niveau sociologique.

Ainsi en est-il du travail lancé par Radovan Richta et Ota Klein qui commença au tout début des années 1960 et qui devait comporter trois étapes, L’ouvrage La civilisation au Carrefour paru en 1966 marquant une étape décisive dans ce domaine, la troisème étape devait je cite « (…) montrer la voie de l’intégration de la science économique et des autres sciences sociales et humaines avec comme objectif final la construction d’un modèle de société socialiste dans sa variante humaine, c’est-à-dire contemporaine … »

La lecture de l’ouvrage La vie au XXIe siècle[13] traduction d’un ouvrage de 1964 montre comment l’URSS prenait alors conscience de la prospective nécessaire.

Après la glaciation Brejnevienne, si la cybernétique continue à avoir de beaux jours dans les pays socialistes d’Europe (Conquête spatiale, industrie militaire, biologie …), la conceptualisation du système caractérisant les mutations en cours marque le pas.

En 1977 paraît en France le rapport Nora-Minc[14] qui pointe les bouleversements attendus de l’informatisation de la société et insiste sur la nécessité de rester dans la course en tête, il introduit le concept de Télématique qui acte la fusion des communications distantes (téléphonie) et de l’informatique[15], et annonce l’ère du minitel. Dans les années 1980, Une tentative de conceptualisation viendra de la part de l’économiste communiste Paul Boccara qui en donne la définition suivante [16]:

(…) Avec la révolution informationnelle, nous avons le remplacement par des moyens matériels, non pas de la main par la machine-outil, mais de certaines opérations du cerveau, d'opérations  informationnelles.  Comme tout particulièrement avec les ordinateurs.

A la prédominance des activités industrielles succèderait celle des activités informationnelles, comme la recherche, la formation, l'accès aux données, etc.

Dès lors qu’on a commencé à façonner consciemment des outils, silex ou autres, et à transmettre ce savoir faire, on a traité de l’information, dès lors qu’environ 3000 ans avant notre ère le Pharaon Narmer qui vient d’unifier ce qui va devenir l’Egypte, fait graver des hiéroglyphes, il prolonge des opérations propres à l’intellect humain à des objets matériels, de même pour l’objet beaucoup plus sophistiqué qu’est la  machine d’Anticythère[17] qui semble dater de 150 à 200 ans avant notre ère.

De même Louis Couffignal a-t-il organisé dès 1951 un colloque international sur le thème « Les machines à calculer et la pensée humaine »[18].

Quatre siècles avant notre ère, Aristote lui-même conceptualise cette situation sans toutefois aller jusqu’au bout :

si chaque instrument pouvait par ordre ou par pressentiment, accomplir son œuvre propre, si, pareilles aux statues légendaires de Dédale ou aux trépieds d'Héphaistos, qui, au dire du poête, " pouvaient d'eux même entrer dans l'assemblée des dieux " les navettes tissaient d'elles mêmes, et les plectres jouaient de la cithare, alors les maîtres d'œuvre n'auraient nul besoin de manœuvres, ni les maîtres d'esclaves.

La révolution numérique, Turing

L’apport de Alan Mathison Turing aura été de concevoir un concept théorique qui permet de définir proprement et logiquement le concept de calcul en l’élargissant à toute activité réalisable par étapes bien définies (c'est le concept d'algorithme !). Le fonctionnement logique de tous les ordinateurs modernes[19] est simulé par cette machine théorique.

Le jeudi 28 mai 1936 Alan Mathison Turing donne une conférence à Princeton lors de laquelle il introduit un concept nouveau La Machine de Turing machine théorique et virtuelle qui est le paradigme de l’algorithme  et qui redéfinit et étend le concept de calcul. Toute activité intellectuelle est un calcul au sens large, au sens de Turing. Dès 1950 Turing pose le problème de l’"intelligence artificielle", la machine intelligente, sorte de Graal poursuivi depuis la seconde moitié du XVIIe siècle, dont les plus connus des protagonistes sont Jean René Descartes et Julien Offray de La Mettrie.

La Machine de Turing Universelle permet de modéliser tout processus et cette modélisation est un calcul. C’est là une avancée dont on mesure mal encore aujourd’hui en ce début de XXIe siècle, la portée et la puissance bien que notre monde moderne soit quasi exclusivement concerné par ce concept.

Ce concept de machine théorique formalise un phénomène qui va devenir essentiel dans la production et qui continue à croître, à savoir la séparation entre l’objet qui calcule et comment il calcule, c’est-à-dire entre matériel et logiciel ; le logiciel étant la part immatérielle et les deux, matériel et immatériel sont là intimement liés, mais l’immatériel prenant une place d’une importance extrême. Le matériel est standard dans son fonctionnement : un automate, apte à des tâches simples, c’est le logiciel (l’algorithme) qui confère l’universalité à la machine.

 

La Machine de Turing est le moteur de la révolution numérique.

L’avancée mathématique, le modèle calculatoire de la machine de Turing, des automates de Markov, le développement de la théorie de l’information et du codage (Shannon, Kolmogorov) et au plan technologique la survenue des premiers ordinateurs dont la puissance augmente très vite vont permettre de poser les problèmes différemment.

Comme souligné précédemment, on mesure mal la puissance conceptuelle de la redéfinition par Turing et Church du concept de calcul. La Machine de Turing universelle. C’est la formalisation moderne de l’interpellation de Pythagore  « Tout est nombre » et surtout son rendu opérationnel, la mystique en moins.

C’est au XVIIe siècle que Gottfried Wilhelm Leibniz, juriste, philosophe et mathématicien avance l’idée que tout est représentable avec seulement deux symboles. Il faudra attendre 1938 pour que le français Louis Couffignal théorise l’utilisation du codage binaire  dans les machines à calculer. Auparavant, les orgues de barbarie, les métiers à tisser type Jacquard, la programmation de la machine de Babbage par Ada, ou les machines Hollerith pour le recensement en utilisant un système de carte ou de ruban perforé utilisent, sans le savoir un système binaire ; il y a un trou ou il n’y en a pas[20].

Les ordinateurs vont permettre le développement de l’anglo-saxonne artificial intelligence mal traduit en français par intelligence artificielle[21]. Dans les entreprises IBM a inventé le concept de système d’information d’une entreprise[22]  qui a modifié en profondeur la gestion des entreprises.

Il faudra attendre 2005 pour que l’ONU[23] découvre la révolution numérique et ses conséquences et commence sérieusement à s’intéresser au phénomène de numérisation de la société.

La croissance rapide des technologies de l’information et de la communication et l’innovation dans les systèmes numériques est à l’origine d’une révolution qui bouleverse radicalement nos modes de pensée, de comportement, de communication, de travail et de production. Cette numérisation de la société modifie qualitativement la création du savoir, l’éducation et la diffusion de l’information. Elle modifie en profondeur la façon de gérer les transactions commerciales et économiques, l’administration de la vie publique. Comme le Dieu Janus, elle a deux visages : elle devient un nouveau champ de bataille pour une cyber guerre et contradictoirement, elle autorise l’amélioration de la communication entre les peuples et peut aussi contribuer à gestion des conflits et à la réalisation de la paix mondiale.

Les réseaux, 1980 Minitel ; 1990 internet[24] & web

La révolution numérique permet l’apparition des réseaux interactifs en 1980, dont le support physico-logique est cybernétique. C’est MINITEL[25] qui inaugure l’ère de ces réseaux, le MINITEL se répand dans nombre de pays et pas seulement en Europe. En 1990 apparaît INTERNET et la puissance technologique et économique des USA, avec le développement du web va imposer INTERNET au détriment de toute solution non US. C’est Lionel Jospin, premier ministre socialiste qui va imposer internet contre MINITEL. On peut considérer la domination d’INTERNET sur MINITEL à partir de 2003.

Ajoutons à cela que la miniaturisation des ordinateurs et la baisse drastique des coûts et prix afférents conduit le vulgum pecus à s’équiper.

Quelques chiffres

Pour donner l’idée de l’ordre de grandeur des changements, en 1983 un superordinateur de niveau international effectuait 200 millions[26] d’opérations par seconde, soit 200 x 106. Actuellement on parle en petaflops, soit le million de milliards des mêmes opérations par seconde, soit 1015 et on compte bien atteindre l’hexaflop en 2020 avec 1018 opérations/seconde soit le milliard de milliards (voir Progressistes n° 5) c’est pratiquement la puissance de calcul cumulée de tous les instruments de calcul sur Terre il y a dix ans. De même la capacité de stockage d’informations approche aujourd’hui l’ordre de 1020 octets. Sachant qu’un gros ouvrage écrit en français nécessite au plus un mégaoctet pour être stocké, notre disque dur peut alors contenir 500 millions de pages de textes ou un million de photos de très bonne qualité, et dix mille heures de musique et mille heures de vidéo. Si on ajoute à cela qu’aujourd’hui un ordinateur de bureau haut de gamme avec disque dur d’un tera-octet coûte à peine 1000 € et a une puissance nettement supérieure au super ordinateur de 1983. Cela, ne peut pas être sans répercussions importantes sur le tissu social. Par exemple, TOUS les services administratifs sont interpellés, toutes les transactions « immatérielles » en général, y compris les plus sécurisées et confidentielles sont concernées.

 

Voir la suite  de Cyber Révolution après les notes


[1] Voir l’ouvrage Cyber Révolution, I. Lavallée, J.P. Nigoul, éd. Le temps des cerises 2002.

[2] Voir A propos de La civilisation au carrefour de Yvette Lucas

[3] Radovan Richta Révolution Scientifique et Technique et transformations sociales L’Homme et la Société 1967, n°3, pp. 83-103.

On lira aussi avec profit La vie au XXIe siècle  S. Goutchev & M. Vassiliev édition française Buchet-Chastel 1964.

[4] Le concept de RST pour Révolution Scientifique et Technique est dû au lord communiste anglais John Daniel Bernal dans :”The social function of science” George Routledge &Sons LTD –revised 1940- first edition 1939.

[5] Radovan Richta, Komunismus a proměny lidského života (K povaze humanismu naší doby) Octobre 1968. Traduction française Editions Anthropos Paris 1972.

[6] Les machines à penser, Louis Couffignal éditions de minuit 1952.

[7]République Démocratique Allemande

[8] Mstislav Keldych Scinces de la nature, progrès technique et conception du monde Cahiers du communisme , n°5 1967.

En fait, les scientifiques soviétiques sont passés outre les critiques idéologiques des philosophes et sociologues et ont pris en compte la cybernétique, d’où la création d’un commissariat à la Cybernétique en URSS.

[9]G. KLAUS, "Das elektrische Gehirn", Die Neue Gesellschaft, 4, 1951, Heft 10, S. 779-82

G. KLAUS, "Regelkreise und Organismen", Neues Deutschland, 15,1960

G. KLAUS, "Erlebte Schachnovelle", in Schwarz u. Weiss, heitere u. ernste Begegnungen mit dem königlichen Spiel, A. Karau & W. Renner (Eds.), Berlin, 1960d, S. 164-182

G. KLAUS, «Kybernetik in philosophischer Sicht » Verlag: Dietz Verlag Berlin, 1963

[10] H. Liebscher "Kybernetik und gesellschaftliche Prozesse im Sozialismus” Spektrum, Berlin 1969 pp.79.

[11] Rainer Thiel, qui fait sa thèse avec Klaus et termine sa thèse en 1964 sur Les aspects cybernétiques de la société. Thiel était dès 1961 secrétaire de la commission cybernétique à l’Académie des Sciences ;

[12] E. Koleman La Cybernétique vue par un philosophe soviétique La pensée n° 68 P. 14. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58162868/f3.item

[13] La vie au XXIe siècle, S. Gouchtchev, M. Vassiliev, éd. Buchet Chastel 1964.

[14] Simon Nora, Alain Minc, L'informatisation de la Société, Paris, La Documentation française, 1978. Les ventes se montent en 1989 à 125.000 exemplaires vendus. Ce rapport a fortement contribué à attirer l’attention sur la nécessité d’accélérer l’informatisation de la société et de la mettre en réseau (MINITEL).

[15] L’informatique distribuée était née, l’auteur des présentes lignes en fut un des pionniers au plan algorithmique !

[16] Paul Boccara [1984], « Quelques indications sur la révolution informationnelle », La Pensée, sept.-oct. 1984.

Si le concept de révolution informationnelle est dû à Paul Boccara, il n’admet toutefois pas une définition unique, Jean Lojkine par exemple en donne une acception quelque peu différente.

[17] Voir Science & Vie N° 1092, aussi : https://www.youtube.com/embed/BG-YxFV8wE8

[18] Les machines à penser Gauthier Villars -1952-.

[19] Même si aujourd’hui, on utilise un autre modèle physique, ce modèle théorique est toujours en vigueur.

[20] Attention, l’intérêt du système binaire est qu’il est relativement facilement réalisable physiquement, ce qui n’est pas le cas des autres systèmes de numérations, lesquels pourtant au plan théorique présentent parfois plus d’intérêt, en particulier le système ternaire.

[21] En effet, personne n’a jamais traduit intelligence service par service intelligent. Il s’agit bien plus d’extraction automatique de connaissances et d’apprentissage automatique

[22] C’est Jean Pierre Nigoul co-auteur de l’ouvrage Cyber révolution qui a avancé ce concept alors qu’il travaillait pour IBM.

[23] Sommet Mondial sur la Société de l’Information (SMSI), sous l’égide de l’ONU -2005-. Par contre dès 1953, en URSS, dans la revue Communiste, Alexandre Kharkevitch ingénieur des télécommunications publia un article proposant la numérisation du téléphone, du télégraphe, de la radio, de la télévision.

[24] INTERNET est issu d’ARPANET, réseau militaire US. En France une expérience nommée CYCLADE était menée précédemment mais d’un point de vue civil, le projet était mené en grande partie par Kahn et Pouzin. Kahn qui sera un des initiateurs d’internet dit que CYCLADE a fortement inspiré des aspects d’INTERNET.

[25] Le MINITEL en témoigne qui est l’acronyme de :” Médium interactif par numérisation d'information téléphonique“

[26] Opérations binaires sur des mots informatiques de 64 bits en virgule flottante;


La Cyber révolution

 

Dés lors on peut parler de Cyber Révolution, et elle n’en est qu’à ses débuts. La diffusion massive des réseaux et ordinateurs personnels[1], entraîne extrêmement rapidement des modifications structurelles de la société, ce que d’aucuns appellent disruption. Les procédés de production, les circuits de communication, la pratique même des services sont bouleversés par les réseaux.

Les moyens matériels des premières années de la seconde moitié du XXe siècle (1950-65) ne permettaient pas que se développe le système technique et sociétal centré sur la cybernétique. Ce système technique est toutefois en gestation alors.  C’est l’augmentation importante des puissances de calcul et le développement des réseaux, et comme noté supra c’est MINITEL  qui va permettre au nouveau système technique de se propager à travers le monde.

Dans les entreprises, les réseaux vont permettre la délocalisation des unités de production automatisées ou situées dans des pays à bas coût de main d’œuvre et des centres de recherche ou de gestion situés à des milliers de kilomètres, la gestion du temps et de la distance s’en trouve complètement bouleversée.

La symbiose de la révolution numérique et de la cybernétique subliment la révolution scientifique et technique, lui donnant une dimension tout autre et in fine la dépassant qualitativement, ce qui nécessite d’avancer un concept nouveau, celui de Cyber Révolution.

Un élément central de cette Cyber Révolution est, comme noté par la cybernétique, l’importance prise par le traitement de l’information. Il faut ici faire très attention, car il s’agit bien là du traitement de l’information et non de l’information en elle-même ni des ordinateurs ou réseaux qui somme toute ne sont que du travail mort. « Le travail vivant est en permanence indispensable au fonctionnement productif du travail mort que sont les ordinateurs et l’information déjà obtenue. L’ordinateur n’est pas seulement un instrument permettant de contrôler, exploiter, dominer le travail vivant, à la manière d’une machine-outil contrôlant le travail de production matérielle et contribuant ainsi à son exploitation. C’est un instrument nécessitant que le travail vivant soit en lui en permanence pour exister en permanence comme instrument d’exploitation du travail vivant »[2] ajoutons ici à cette citation de Jean Claude Delaunay que si l’ordinateur simule des modes de fonctionnement du cerveau, il ne fait que les simuler. Le mot information est un mot fourre tout et il y faut faire attention, le journaliste, le parieur ou le technicien des télécommunications n’y mettent pas la même chose.

Cette fusion en un système unique des communications, du calcul massif et rapide, de l’automatisation, conduit aussi à une baisse considérable des coûts et à une diffusion sociale totalement inédite des possibilités afférentes démultipliée encore par la miniaturisation. Tous les aspects de la vie sociale sont concernés, le GPS en témoigne, dans tous les domaines, production industrielle, médecine[3], navigation, cinéma et photographie (numérisation des images). Les réseaux sociaux, rendus possibles par la miniaturisation de l'électronique et les communication satellitaires, jouent un rôle majeur dans la restructuration de l'imaginaire collectif et la bataille idéologique, ils jouent un rôle contradictoire de mise en relation et d'isolement, et qui possède les « tuyaux » a la main sur ce qu’ils transmettent.

Au-delà, des réseaux sociaux, l’industrie fait largement appel au modèle cybernétique, à travers les objets connectés, l’usage de clones virtuels, simulateurs, reproduisant le fonctionnement en temps réel des équipements réels, en tirant expériences de l’usage et du comportement de ces équipements. Derrière le miracle des usages, il y a des machines. Et l’approche de la machine par Marx (livre 1 du capital) reste décisive pour saisir la lutte qui s’engage entre le capital et le monde du travail

De ce point de vue, la revendication d’un service public de l’internet, voire du web, est une revendication à mettre en avant. Dans le domaine de la production, cette situation semble donner la prééminence aux contenus par rapport aux supports et aux machines dont les caractéristiques font pourtant les performances d’ensemble. En fait, La séparation matériel / logiciel a nourri de nouvelles divisions sociales et capitalistiques du travail. Mais les uns et les autres n’ont de valeur d’usage qu’ensemble, ça forme système, le tout est « plus que la réunion des parties », il y a émergence au niveau de la valeur d’usage. Il y a à la fois processus de spécialisation et des forces qui obligent à préserver la coopération (Intel-Microsoft la plus évidente...). Cela passe par un Google qui investit dans des activités en lien direct avec la production de biens matériels : la voiture autonome, la robotique... idem Uber, Amazon... ou des géants du web passant alliance avec des constructeurs automobiles. En dernier ressort ce système est aussi sensible aux ressources naturelles (terres rares pour l’électronique, énergie) que l’automobile du pétrole...

Les ordinateurs puissants permettent aujourd’hui des simulations relativement fiables pour le temps et le climat, des modélisations pour la production[4] : https://revue-progressistes.org/2016/06/27/progressistes-n12/ ainsi que le n° 5.

Toutes les activités « intellectuelles » sont concernées, comme l’enseignement, la formation. La rapidité des bouleversements induits nécessite de poser différemment le problème de l’enseignement et de la formation continue.

Mais ce foisonnement scientifico technique, s’il est mis en lumière et sous-tendu par l’irruption de l’informatique et des réseaux, par la télématique, ne se limite pas loin de là aux aspects informatiques. Ainsi, la maîtrise de l’atome, bien gérée, est en mesure de libérer l’humanité des problèmes énergétiques pour un bon millénaire, sans provoquer une pollution trop importante[5]. Dans le même temps, l’accès à des moyens de simulation puissants et des avancées scientifiques déterminantes permettent de prévoir les évolutions du climat, identifier les problèmes écologiques et environnementaux ; la maîtrise du vivant est en marche, les OGM sont déjà notre quotidien et on est déjà passés d’une médecine réparatrice à une médecine « augmentante » et tout ça en 20 ans. Dés lors qu’on est capables d’intervenir sur un fœtus, on fait de l’eugénisme sans le savoir. L’aventure informatique touchant à sa fin, on peut dire que l’avenir scientifique est à la bionique.

C’est ce qui distingue la Cyber Révolution des révolutions à caractères plus technique, elle touche tous les aspects de la vie sociale, et pas seulement strictement productive, les rétro-actions cybernétiques sont extrêmement rapides. Les repères spatiaux temporels sont sollicités. Je parle tous les jours avec un membre de ma famille qui habite à Mexico et aussi avec un ami qui est à Hanoï et les yeux dans les yeux par l’intermédiaire d’internet. La géographie s’en trouve modifiée, le TGV met Bordeaux à 2h de Paris, Lyon à 1h50, là où il y a 50 ans ont mettait 5h avec le train le plus rapide, la carte de France réalisée non plus avec des mesures kilométriques, mais des mesures de temps d’accès, se rétrécit drastiquement. Cela modifie, allié à internet et à la « dématérialisation » le comportement de couches entières de population. On peut travailler à Paris (ou Bordeaux, ou ailleurs), habiter Bordeaux (ou Paris ou ailleurs) « monter » deux ou trois jours au plus par semaine au bureau ou au labo et travailler depuis chez soi, ou d’un tiers lieu, ce qui n’est pas sans incidence sur la vie personnelle et familiale. La gestion des territoires est interpellée.

 De tous temps, les développements scientifiques et techniques ont influé sur les structures sociales, mais ce qui caractérise notre époque, c’est la quasi instantanéité, la dimension et la profondeur des bouleversements induits, l’imbrication pour ne pas dire l’intrication des différents systèmes qui composent la société. La rapidité des changements technologiques et scientifiques est extrême et ce qui caractérise la Cyber Révolution, c’est que les changements sociétaux induits sont également très rapides, mais comme il y a une « inertie » sociétale, due en partie à la culture et l’histoire sociale de nos sociétés, lorsque les changements se produisent ils prennent un caractère « explosif », une émergence qui bouscule l’ordre social.

Marx déjà dans le manifeste pointe cet aspect du capitalisme de remise constante en question. Je ne peux ici que citer ce paragraphe du Manifeste :

« (…)La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l'ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d'idées antiques et vénérables, se dissolvent; ceux qui les remplacent vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. (…)»

 

La Cyber révolution en est la manifestation éclatante.

La Cyber révolution élément clé du communisme

 

Mais la Cyber révolution ne se limite pas aux seuls aspects informationnels ni numériques, elle intègre aussi des éléments qui s’apparentent à la RST et en « redistribue les cartes » ainsi, l’automatisation poussée de la production des biens matériels palpables[6] à grande échelle, l’automatisation de toute cette production matérielle laisse entrevoir le moment où le travail contraint ne sera plus nécessaire pour satisfaire les besoins humains et où les usines tourneront toutes seules –image bien sûr-. Les tracteurs munis de GPS labourent ou sèment déjà sans personne à bord, guidés par un satellite qui a précédemment analysé le sol (ou même en temps réel), son hygrométrie, sa structure, sa composition chimique pour savoir quelle quantité de semence ou d’intrants y injecter pour optimiser à la fois le rendement et la durabilité des sols, réduire la pollution, voire reconstituer des sols[7]. La conquête spatiale fournit non seulement des relais de communications efficaces, mais permet la rationalisation de la culture des navets en préservant les sols. Les systèmes de positionnement global des véhicules (GPS) ne peuvent fonctionner sans une batterie de satellites qui tournent au tour de la Terre. Il faut 4 satellites pour localiser un véhicule.

La structure sociale est impactée

Ce qui caractérise le travail et plus généralement l’organisation de la société, c’est la délocalisation certains disent même la dématérialisation des tâches et des échanges, la société s’organise en réseaux, on a des groupes ou cellules indépendants reliés par des réseaux, tant des réseaux physiques que virtuels, le modèle mathématique en est le graphe, avec ses sommets et ses arcs, les repères traditionnels sont soumis à rude épreuve, apparaît ainsi toute une structure économique et sociale qui tend à devenir dominante. Ces réseaux sont en fait également des systèmes au sens cybernétique du terme et partant, constitutifs de la Cyber Révolution.

Le rapport au service, à la qualité de la valeur d’usage proposée au vu des besoins, ou des aspirations, change, les utilisateurs deviennent aussi potentiellement acteurs à travers des outils interactifs, les ordinateurs personnels en particulier associés aux réseaux, même si en système capitaliste ça consiste aussi à piller leurs connaissances. C’est le capitalisme de plates-formes.

Ceci veut dire aussi que l’ensemble de la structure sociale est impactée et ne serait alors plus basée sur ce travail contraint comme actuellement, l’homme (sui generis) passe alors du règne de la nécessité au règne de la liberté.
 

[1] 94% des ménages français connectés.

[2] Jean Claude Delaunay

[3] En 2001 une ablation de la vésicule biliaire a été effectuée à Strasbourg par un chirurgien français, Jacques Marescaux situé à 7000 km, via un réseau haut débit. Pour le professeur Marescaux le symbole est fort car il aboutit « au concept de mondialisation du partage du geste chirurgical laissant imaginer que tout chirurgien expert pourra participer à une opération se déroulant n'importe où dans le monde”.

[4] Voir www.revue-progressistes.com

[5] Bien gérés, après mise en route des surgénérateurs, pour la consommation électrique d’un pays comme la France, les déchets radioactifs représentent en volume de 4 piscines olympiques par siècle, en l’état actuel de la technologie.

[6] J’ajoute palpables  car les idées aussi sont matière, là j’entends les objets ayant une masse au sens physique du terme.

[7] Ce qui pose en termes renouvelés le problème de l’utilisation des pesticides et autres intrans “c’est la dose qui fait le poison” disait Paracelse. En effet, n’oublions pas que certains nébuliseurs nasals sont constitués d’acide chlorydrique, et qu’on endort les patients en chirurgie avec du curare !


 
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