Une défaite (LFI), un échec (PCF), une imposture (EELV)

  • Yvan Lavallée

LFI La défaîte

En France, la défaite cinglante du 26 mai pose une question majeure au mouvement de Jean-Luc Mélenchon.

La stratégie mélenchonesque est une stratégie du « coup », en anglais du « one shoot », elle a fonctionné dans des pays et des cultures moins ancrées dans la politique, avec des traditions politiques plus récentes et surtout marquées du sceau des leader maximo en un mot, de l’Amérique du sud. De plus ces mouvements d’Amérique du sud, s’inscrivent dans une logique de libération nationale ou d’indépendance face à une bourgeoisie et une  oligarchie bien souvent compradores.

Certains pays en Europe recouvrent des situations analogues, comme la Grèce par exemple. On est en droit de se poser la question si le moment du populisme dit de gauche n’est pas terminé et qu’il revient à ce qui le sous-tend, la social démocratie, sous peine de virer au populisme de droite et à sa logique fascisante.

La faiblesse de ce genre de mouvement c’est paradoxalement ce qui en a fait aussi momentanément sa force, c’est sa non-structuration, l’allégeance à un chef charismatique et donc, en l’absence, voulue, de référence de classe, l’allégeance au positionnement dudit chef, ce qui est susceptible d’entraîner toutes les dérives.

La rupture politique aurait pu avoir lieu à l’élection présidentielle de 2017 et c’est la raison évidente pour laquelle la direction du PCF a appelé à voter pour Mélenchon, sa présence au second tour eut modifié de fond en comble le paysage politique français et une nouvelle phase politique, possiblement révolutionnaire, se serait ouverte. La volonté hégémonique du leader maximo l’a emporté et au lieu de conforter la stratégie de la direction du PCF il a tout fait pour insulter sa base (la mort et le néant) et a de ce fait perdu les quelques milliers de voix nécessaires pour être au second tour, et a ainsi refermé, de facto, la parenthèse FI.

Mélenchon a bien vu le danger de la stratégie de la direction du PCF. S’il était présent au second tour , il ne fallait pas que le PCF soit en mesure de « jouer » dans la nouvelle situation politique, il fallait donc y semer des graines de discorde, ou plutôt « jeter de l’huile sur le feu » sur les interrogations des communistes qui eussent voulu un candidat purement communiste.

 

Ainsi, le populisme de gauche tel que pratiqué en Europe a trouvé ses limites et, n’étant pas sur des positions de classe, mais sur « eux » et « nous » ou le peuple ( ??!) contre « eux » ou contre  « l’oligarchie », il a laissé ouvertes des passerelles avec l’extrême droite qui tient un discours du même ordre[1]

PCF l’échec

Une nouvelle direction a été démocratiquement élue, suite à un congrès amer consécutivement à la défaîte de l’élection présidentielle (le candidat absent au second tour, voir ci-dessus), bien que les deux groupes à l’Assemblée Nationale et au Sénat aient été conservés.

Un « retour de flamme » identitaire a traversé une base militante inquiète sur la pérennité de l’organisation communiste, le PCF. Malgré une campagne électorale menée tambour battant, avec un candidat de haute volée, la nouvelle stratégie est mise en échec, ce qui interroge sur celle-ci sans se lamenter sur l’attitude des medias qui sont là, comme nous savons, pour assurer la pérennité du système.

Essayons de pointer quelques faiblesses.

  1. Un manque criant d’analyse du mouvement des forces productives à l’heure de la Cyber révolution qui bouleverse non seulement les façons de produire mais également la structure sociale dans son ensemble (voir : http://www.ivan2015.com/2018/06/80-ans-d-histoire-des-forces-productives.html pour un début d’esquisse d’analyse). Ainsi axer la campagne essentiellement sur le thème qu’il y avait 50%  de travailleurs, salariés, sur la liste ne parlait guère qu’aux militants communistes ;
  2. Le volet social et ses revendications n’a pas « résonné » au sein de la société, pourquoi ?
    1. La question européenne ne mobilise guère les foules car le centre de décision paraît fort éloigné des citoyens français et par conséquent ils ne se sentent pas directement concernés. La citoyenneté européenne quant à elle est une chimère ,
    2. les échecs des grandes manifestations de 2017 contre les réformes régressives, et de tous les mouvements pacifiques de masse ont créé une situation attentiste, c’est vrai également pour le syndicat de classe, les luttes n’aboutissent pas souvent, et ce n’est que partiel et partie remise ,
    3. la violence de minorités qui a eu gain de cause, comme à Notre dame des landes ou les « bonnets rouges » en 2013 laisse à penser, et ne nous y trompons pas, ça travaille les esprits, que la démocratie est verrouillée et qu’il va falloir passer à autre chose (ce qui ne gêne pas nécessairement le capital, lui offrant peut-être une opportunité de « mater » le mouvement social pour un temps) ;
    4. le retard ou l'incapacité pour le PCF et le syndicat de classe de prendre la juste mesure du mouvement populaire des Gilets Jaunes.
  3. Le manque de prise en compte des grandes menaces auxquelles l’humanité est confrontée. Deux cataclysmes majeurs menacent l’humanité, l’un à court terme, épée de Damoclès sur nos têtes, l’autre à plus long terme mais à terme de quelques décennies seulement.
    1. L’apocalypse nucléaire nous guette d’une minute à l’autre. Ici un nuage d’oiseaux a fait croire à une attaque de missiles et a failli déclencher la riposte automatique, heureusement qu’un militaire soviétique de veille a stoppé l’alerte, là un bombardier US perd deux bombes H au dessus du territoire américain, une seule sera retrouvée ( !!) et 2 de ses systèmes de sécurité sur 3 endommagés, l’apocalypse pouvait commencer. Si une guerre thermonucléaire est déclenchée, elle sera brève, les systèmes d’armement fonctionnant à partir du premier tir, de façon automatique. A tel point que certaines armes ont été désignées comme étant « du jugement dernier » ça veut tout dire ,
    2. L’urgence environnementale liée au réchauffement climatique n’est pas apparue comme une préoccupation majeure du PCF, elle n’a pas pris la place qu’elle aurait pu prendre dans la campagne en lien avec la question sociale, et la question du désarmement. Il serait sans doute judicieux de mettre en évidence que pour contrecarrer les effets du dérèglement environnemental, climatique, il va falloir si on veut éviter des conflits armés, mobiliser des moyens gigantesques tant financiers qu’humains qui se trouvent pour l’essentiel stérilisés dans la course aux armements nucléaires et spatiaux. De ce point de vue, une campagne bien menée associant problème climatique et signature du traité TIAN[2] aurait peut-être pu mobiliser quelque peu en se distinguant du discours « vert » déconnecté des problèmes sociaux et sociétaux.

 

EELV L’imposture

Dans cette élection il y a eu une émergence relative de EELV draînant nombre de suffrages de jeunes femmes et hommes inquiets pour le devenir de leur environnement physique planétaire. Cette préoccupation est légitime même si elle est dévoyée. A nous de montrer que la préservation de l’environnement est incompatible avec un système de production et d’échanges basé sur l’accumulation maximale de profits dans le minimum de temps. Là est l’imposture d’un Jadot et du discours de l’écologie politique en général.

 

L'Ecologie Politique est avant tout un courant politique qui prend effet en France dans la foulée des luttes de 1968, suite à la lutte dite du Larzac, qui va s'étendre de 1971 à 1981.  Là s'opère de fait un clivage dans les luttes qui va se répercuter loin dans notre histoire jusqu'à aujourd'hui. Les grandes luttes des années 68, déjà comportent deux volets, l'un social directement lié au monde du travail porté par la classe ouvrière (quand l'île Seguin[3] éternue, la France entière s'enrhume), classe ouvrière qui va obtenir de grandes avancées sociales. L'autre volet est de nature sociétale et porté par "les étudiants" de 68, eux qui ont provoqué la déflagration qui a conduit à la séquence dite de mai 68 (en fait qui commence dès le début de l'année avec des incidents violents à la faculté de Nanterre à propos de la guerre US au Vietnam). Ce moment marque l'irruption sur la scène politique française d'un autre courant politique qui va se structurer autour des problèmes sociétaux et plus particulièrement sur l'écologie à la manière de ce qui se fait dans les pays anglo-saxons. Ce courant est d'entrée de jeu, avec un Conh Bendit par exemple est compris comme une arme idéologique tournée contre le Parti communiste et la CGT, organisations de la lutte de classes. Ce courant politique, sous ses diverses déclinaisons est pensé et soutenu comme moyen de contourner le défi "Société de classes vs société sans classes" sur la base d'une anticipation d'une montée des enjeux environnementaux et un déclin de la classe ouvrière traditionnelle. On assiste alors à l'apparition dans le champ politique du discours basé sur le nouveau paradigme "ni capitaliste ni communiste" sur l'argument suivant lequel l'écologie n'est pas politique, un arbre n'est ni communiste ni capitaliste[4]. Le tout s’appuyant plus ou moins, et plutôt plus que moins sur une idéologie anarcho-syndicaliste, fortement individualiste en phase avec le libéralisme ambiant, dans les années 90, surtout après la défaîte de l’URSS dans la guerre froide.

D'où la proposition d'un remodelage du champ politique autour d'un nouveau paradigme, "rouge et Vert" ce qui signifie soucieux de la propriété privée des moyens de production, individualisme, et décidé à démanteler le secteur public et nationalisé sous des prétextes fallacieux divers et variés (lobbying d’EDF par exemple, opposition au nucléaire civil[5] en jouant sur les peurs obscurantistes…). Toute cette idéologie étant bien sûr relayée par le système de guerre idéologique du capital.

Une des faiblesses du PCF aura été de ne pas mettre en avant son expertise scientifique, réelle et riche, sur nombre de sujets écologiques au nom du rassemblement de la gauche dont l'Ecologie Politique se revendique avec une approche à géométrie très variable hormis sa constance à affaiblir en priorité l'ancrage communiste. La question aujourd’hui est précisément, comment non seulement mettre en avant cette expertise, mais aussi, et surtout la lier à ce qui fonde la lutte des communistes, le dépassement du mode de production capitaliste. La revue du PCF Progressistes[6]  participe à hauteur de ses moyens (faibles !) à cette mise en place.

 

[1] Noublions pas que Nazi signifie en fait National-socialiste !

[2] Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires déjà signé par une centaine de pays !

[3] L’île Seguin abrite alors les usines Renault avec plus de 20.000 ouvriers et c’est un bastion de la CGT.

[4] ET pourtant, Marx déjà écrivait déjà : « les capitalistes couperont l’arbre dont ils ne peuvent vendre l’ombre »

[5] Mais grande discrétion sur le nucléaire militaire et le commerce des armes…

[6] https://revue-progressistes.org/

 

 


 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Thème Magazine -  Hébergé par Overblog