Réflexions
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Oui... Réflexions, je livre ici un texte en cours d'élaboration, et je sollicite les remarques et critiques. Le but est bien sûr de reprendre le travail commencé et publié en 2002 sous lea forme de l'ouvrage inteitulé Cyber Révolution il s'agit d'essayer de comprendre ce qui bouge dans la société pour permettre au mouvement révolutionnaire d'adapter ses analyse et formes de lutte à l'évolution du mode de production.
Disons le ici tout net, il s’agit en grande partie d’un plagiat d’un texte remarquable de Jean François Bolzinger : Travail, Entreprise, Politique; https://congres2018.pcf.fr.
La Cyber Révolution dont nous entendons traiter ici englobe tous les aspects de la vie humaine et plus généralement notre écosystème, l’écologie.
Aborder en marxiste un tel thème nécessite de préciser la méthode.
Si, comme Karl Marx[1], Friedrich Engels[2], plus tard, Lord John Daniel Bernal[3], Radovan Richta[4], Walter Ulbricht[5] ou encore Salvador Allende[6] et Deng Xiaoping[7] on estime que le développement des forces productives est LE facteur matériel objectif décisif pour ouvrir la voie vers une société communiste, alors il nous faut essayer d’en préciser les attendus, conséquences, et interrogations bien entendu. Ce fil rouge qui, tel un fil d’Ariane, traverse les tentatives socialistes du XXe siècle doit nous interpeller.
Se lancer dans un tel projet nécessite de l’aborder à partir de trois domaines qui paraissent essentiels :
Volet social
Il s’agit là d’examiner le rapport de la société, des travailleurs au développement des forces productives.
Volet sociétal
Volet environnemental
Abordons donc en premier ce volet des rapports sociaux de production à travers la Révolution Numérique
La rapidité de la révolution numérique qui s’opère en quelques décennies bouleverse les repères humains bien plus fortement que la révolution industrielle, laquelle s’est étalée sur 150 ans.
Souvent analysée uniquement à l’aune des nouveaux produits mis sur le marché, la révolution numérique a bouleversé et bouleverse en fait profondément le travail et la manière de créer des richesses.
En ce qui concerne le duo industrie–services dont le continuum apparaît chaque jour davantage, la transformation a lieu d’une production de masse axée sur le quantitatif à une production de masse personnalisée appelant une nouvelle industrialisation.
Cette révolution numérique amène une nouvelle manière de produire et de consommer. Lorsque les prix à la production de Seb par exemple sont fixés par Amazon, ceci ne fait que refléter que le capital à beaucoup mieux anticipé ces évolutions que les forces du travail.
Le contenu et le sens de la révolution numérique, son extension planétaire avec l’accélération de la mondialisation, ses aspects sociaux et sociétaux sont un défi majeur dans le combat de classe.
Quel parti de la classe des travailleurs dans la révolution numérique ?
À force de laisser les affaires du monde au monde des affaires, celui-ci compose maintenant le gouvernement de nombre de pays et du nôtre en particulier avec une majorité parlementaire écrasante. La situation des États-Unis avec un affairiste milliardaire à sa tête reflète le développement d’une mondialisation où les classes dominantes assoient leur pouvoir de domination en se donnant les moyens de faire face à toutes les évolutions.
Une oligarchie des 1 % s’est ainsi formée au plan mondial comme au plan national disposant d’une part énorme du patrimoine (50 % au niveau mondial), s’accaparant l’essentiel des richesses créées et détenant les leviers clés au plan économique, politique et médiatique, et donc en position de force dans la bataille idéologique. . « Oui la lutte de classes existe et c’est ma classe qui est entrain de la gagner » peut dire le multi milliardaire Warren Buffet
De plus, il faut là noter une différence importante entre les forces du capital et les forces du monde du travail, et du reste de la société.
La classe capitaliste, relativement peu nombreuse (1%...), malgré ses apparentes divisions idéologiques qui ne sont en fait que des nuances, a des intérêts, sonnants et trébuchants, communs à court et moyen terme, et c’est ce qui fait son unité, la réalité de ces intérêts se lisant tous les jours à la bourse.
Pour ce qui est du monde du travail, la classe des prolétaires, et du reste de la société (99%), ce qui caractérise c’est la déshérence et les divisions et confusion idéologiques savamment entretenues, voire provoquées par la puissance de frappe idéologique de la classe capitaliste qui possède les moyens de domination idéologiques. Ceci alors qu’objectivement, non seulement in fine les prolétaires ont des intérêts communs, mais aussi que nous sommes arrivés dans un système technique qui permet de se passer de la relation de dualité capital/travail actuelle.
Cette logique des 1 % telle que décrite par Occupy Wall Street en 2007 (« We are the 99 % ») a donné sens aux observations des économistes en pointant la dynamique des évolutions.
Ceux-ci relevaient qu’au début des années 2010, la part des 10 % du patrimoine les plus élevés se situait autour de 60 % du patrimoine national en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie et, évidemment, aux États-Unis.
La répartition de la propriété du capital et des revenus qui en sont issus est systématiquement plus concentrée que la répartition des revenus du travail. Cela produit une concentration des patrimoines qui est en réalité aussi forte dans les 10 % du patrimoine les plus élevés que dans la population dans son ensemble. Le centile supérieur - les 1 % - représente aujourd’hui une population suffisamment significative numériquement et du point de vue de la puissance économique pour structurer fortement le paysage social et l’ordre politique et économique dans son ensemble.
Les 1 % des revenus les plus élevés sont plusieurs dizaines de fois supérieurs à la moyenne et en matière de patrimoine, les 1 % captent les revenus financiers. « Les très hauts revenus concernent essentiellement des dirigeants de grandes entreprises qui parviennent à obtenir des niveaux de rémunération extrêmement élevés, inédits dans l’histoire ». (Piketty, Le Capital du 21ème siècle).
Plus encore, depuis une quinzaine d’années, les 1 % se sont séparés des 10 % des plus hauts revenus et forment une nouvelle bourgeoisie appuyée au plan international sur des technologies de rupture, le luxe, l’énergie et utilisent leur puissance financière pour contrôler les moyens de diffusion sous toutes leur formes et cherchent à contrôler la culture et la production culturelle en général dont ils ont fait une industrie marchande comme une autre. Le classement Bloomberg des hommes les plus riches du monde a été dévoilé le 17 juillet 2019. Avec une fortune estimée à 125 milliards de dollars, le patron d'Amazon Jeff Bezos arrive en tête des hommes les plus riches de la planète(…). Le Français Bernard Arnault monte à la deuxième marche du podium, avec 108 milliards de dollars (+25,1 milliards par rapport au précédent classement), reléguant Bill Gates (107 milliards) à la troisième place. Warren Buffett (83,9 milliards) et Mark Zuckerberg (79,5 milliards) complètent le top 5. On trouve là dans ces méga fortunes, le luxe (LVMH)[8], l’énergie (Pétrole, nucléaire), les technologies de rupture (GAFA).
Le nombre de milliardaires recensés par Forbes dans son classement annuel des hommes les plus riches du monde est passé de 2 208 en 2018 à 2 153 en 2019. Un nombre record de 994 individus ont vu leur fortune s'amenuiser. Trump, président des Etats-Unis fait d'ailleurs partie des malchanceux. Cette dernière remarque illustrant s’il en est besoin ce phénomène de concentration.
Certes cette notion de 1 % et de 99 % est approximative et fonction du degré de concentration du capital selon les pays, elle reflète quand même la profonde dynamique de création d’inégalités qui s’opère.
C’est un nouveau capitalisme qui se met en place, se traduisant par un énorme transfert des richesses produites du travail vers le capital. Une classe capitaliste réduite en nombre s’oppose à la classe des travailleurs qui créent directement ou indirectement les richesses et en sont spoliés. La révolution numérique fait émerger des technologies de rupture qui génèrent, par unité investie, des profits (y compris parfois fictifs- bitcoin-) sans commune mesure avec l’industrie traditionnelle de transformation de la matière palpable, et crée des situations de « capture » monopolistes en créant des situations « obligatoires » pour les gens. Par exemple, aujourd’hui, une grande partie des transactions en tous genres, y compris celles obligatoires (impôts, sécurité sociale, achat de ceci ou cela ) passent par internet et les « traces » en sont captées par ces GAFA qui peuvent traiter ces masses de données qui sont leur véritable matière première. De plus, on assiste à l’émergence d’un véritable capitalisme de plate-formes qui remet en place sous une autre forme, le travail à la tâche. C’est encore assez marginal, mais c’est une tendance du capital.
La classe du travail est composée pour l’essentiel du salariat (en dehors des cercles dirigeants) subissant une subordination hiérarchique mais aussi de travailleurs juridiquement non-salariés en état de dépendance économique (auto entrepreneurs, professionnels autonomes du numérique…). C’est cette nouvelle classe de travailleurs qui structure les 99 %.
Ce salariat élargi est formé de deux composantes principales traversant les fragmentations et diversités liées au genre, à la précarité, au chômage, aux différences ethniques…
Ces deux composantes – salariat d’exécution (54 % aujourd’hui en France -2018-) regroupant les ouvriers et employés, et salariat qualifié en responsabilité (46 %) regroupant les cadres et professions techniciennes ou intermédiaires – constituent une même communauté de travail mais ont un rôle et une place différents dans le processus de travail en raison du niveau de qualification et des rapports sociaux. Leur rapport à la hiérarchie (donc au capital), aux revendications, à la politique, à la culture au collectif… ont des différences marquées.
Cela signifie dans le même mouvement que l’unité du salariat élargi, donc la conscience de classe afférente, ne se peut construire qu’en cherchant à transformer les rapports sociaux existants dans le travail et l’entreprise.
Tout est bon pour éviter de parler du rapport entre le capital et le travail. La notion de classe moyenne que certains utilisent pour caractériser une catégorie qui va des ouvriers-employés qualifiés aux cadres moyens, est une mystification. La notion de classes populaires regroupant les salariés allant des ouvriers qualifiés aux cadres moyens présente quant à elle également le risque de brouiller les cartes quant aux objectifs du rassemblement du salariat et de détourner des inégalités structurantes entre le capital et le travail.
De plus, la campagne idéologique de la bourgeoisie tend à faire du syntagme Classes populaire un fourre-tout idéologique du type « multitudes » cher à Negri, ou « les riches et les pauvres ». Le pseudo concept de « classes populaires » faisant écho à celui de « classes moyennes » ne se base pas sur un rapport à la production de valeur ni de richesses, or c’est là ce qui fonde l’analyse de classe, le rapport social créé par le rapport issu des forces productives matérielles et humaines.
La nostalgie des classes d’antan peut être paralysante pour l’action. Aucun groupe ne remplacera le groupe ouvrier comme moyen fédérateur. C’est une construction unitaire des composantes du salariat élargi dans leur diversité qu’il s’agit d’opérer.
C’est une vision moins sociologique que par le passé, mais plus politique de la mobilisation, de l’unification et de la promotion possible des opprimés, c’est-à-dire du salariat où tous sont exploités, qu’il s’agit de développer.
Les transformations de la société, liées à l’évolution des forces productives et à la mondialisation financière n’amènent pas une société atomisée, d’individus isolés, où le capital se confond avec le travail.
Le salariat d’aujourd’hui, à travers sa diversité de situation, ses composantes issues des niveaux de qualification et des rapports sociaux est en pleine recherche de conscience de classe à partir d’une communauté d’intérêts réelle. Celle-ci a besoin d’être nourrie en permanence.
[1] Préface à la contribution à la critique de l’économie politique
[2] Discours d’Engels sur la tombe de Karl Marx « La Science était pour Marx une force qui actionnait l’histoire, une force productive directe ».
[3] The social function of Science George Routledge & sons LTD 1939.
[4] La civilisation au carrefour Editions Anthropos 1969
[5] Walter Ulbricht s’y réfère, au congrès du Parti, en 1963. La cybernétique est présentée comme une théorie à promouvoir et il en fera la promotion et en organisera la diffusion et l’organisation dans l’économie .
[6] Voir le projet Cybersyn sous la direction se Stafford Beer.
[7] Le progrès de la science et de la technique modernes resserre chaque jour davantage les liens entre la science et la production. Le rôle considérable de la science et de la technique en tant que forces productives s'affirme avec toujours plus d'évidence. Conférence nationale sur les sciences, 18 mars 1978
[8] B. Arnault possède LVMH mais aussi NetFlix (bataille idéologique encore !).