Stratégies de sortie du confinement possibles, rapport INSERM

  • Yvan Lavallée

Permettez moi d’exprimer ici mon étonnement et ma désaprobation à propos de l’écriture en anglais d’un article destiné à des décideurs français, qui traite de problèmes franco-français même avec un touche internationale. Il fut un temps où les chercheurs français avaient à cœur la défense de la pensée française dans le chœur des nations, à égalité, par l’intermédiaire de la langue, avec un résumé (ou un extended abstrait) en anglais, mais l’article en français. Ici, on se trouve dans le schéma inverse, un résumé en français et l'article proprement dit en anglais. Afin de palier à cette carence, et surtout de mettre à disposition des citoyens français, ceux qui par leurs impôts paient nos salaires de chercheurs et abondent  nos crédits, les éléments de compréhension de la situation, j’ai commis une traduction de l'article de l'INSERM que j’espère fidèle.

Impact attendu du confinement en Île-de-France et stratégies de sortie possibles

Rapport n° 9 les rapports précédents étant : www.epicx-lab.com/covid-19.html

 

Laura Di Domenico1, Giulia Pullano1,2, Chiara E. Sabbatini1, Pierre-Yves Boëlle1, Vittoria Colizza1,

1 INSERM, Sorbonne Université, Pierre Louis Institute of Epidemiology and Public Health, Paris, France

2 Sociology and Economics of Networks and Services lab at Orange Experience Design Lab (SENSE/XDLab) Chatillion, Paris,

 mel : vittoria.colizza@inserm.fr

 

12/04/2020

Traduction en français : Pr. Ivan Lavallée[1] & Evelyne Brouzeng[2]

16/02/2020

 

 

[1] Ivan.lavallee@gmail.com Dr d’Etat es Sciences, Professeur émérite des universités, traducteur de Probablement Approximativement Correct (Probably approximatly Correct) de Leslie Valiant aux éditions Cassini 2018.

[2] MCF émérite en civilisation Anglaise.

Sommaire

 

Plus de la moitié de la population mondiale est actuellement soumise à des formes strictes de distanciation sociale, avec plus de 90 pays en confinement, dont la France. Il est essentiel d'estimer l'impact attendu du confinement et lefficacité potentielle des différentes stratégies de sortie pour optimiser la gestion de la crise sanitaire du au COVID-19. Nous utilisons un modèle de transmission stochastique structuré par âge (enfants 0-18, adultes 19-64, personnes âgées 65 et plus) intégrant des données sur le profil d'âge et les contacts sociaux en Île-de-France pour :

(i) évaluer la situation épidémique actuelle;

(ii) évaluer l'impact attendu du confinementmis en place en France le 17mars 2020; et

(iii) estimer l'efficacité des stratégies de sortie possibles. Le modèle est calibré sur les données d'hospitalisation de la région avant le confinementet validé sur les données de surveillance syndromique et virologique.

Différents types et durées d'interventions de distanciation sociale sont simulés, y compris une levée progressive du confinementciblant des catégories spécifiques d'individus (par exemple, permettentà une plus grande portion de la population d'aller travailler, tout en protégeant les personnes âgées), et des tests à grande échelle.

Nous estimons le taux de reproduction de base à 3,0 [2,8, 3,2] (intervalle de confiance à 95%) avant le confinement et le pourcentage de population infectée par le COVID-19 au 5 avril entre 1% et 6%. Le nombre moyen de contacts est estimé s’être réduit de 80% pendant le confinement, conduisant à une réduction substantielle du taux de reproduction (𝑅"=0,68 [0,62-0,73]). Dans ces conditions, la courbe épidémique atteint la capacité du système de soins intensifs et diminue lentement pendant le confinement. La levée du confinement sans stratégie de sortie entraînerait une deuxième vague submergeant largement le système de santé. Le traçage et le dépistage massif de cas-contacts pour les isoler rapidement sont nécessaires pour envisager des stratégies de distanciation sociale qui relâchent progressivement les contraintes actuelles (plus grande proportion de personnes retournant au travail,  réouverture progressive des activités), tout en maintenant les écoles fermées et l’isolement des personnes âgées. La France étant confrontée à la première vague de la pandémie de COVID-19 en confinement, des formes intensives de distanciation sociale sont nécessaires dans les mois à venir en raison de l'immunité actuellement faible de la population.

La recherche de cas et l'isolement à grande échelle permettraient de relâcher partiellement la pression socio-économique causée par les mesures extrêmes, tout en évitant que la demande de soins de santé ne dépasse les capacités. La planification de la réponse doit de toute urgence donner la priorité à la logistique et à la capacité de ces mesures.

 

 

Nous estimons que le taux de contagion de base était de 3,0 [2,8-3,2] (intervalle de confiance de 95 %) avant le confinement et que la population infectée par COVID-19 au 5 avril se situait entre 1 % et 6 %. Le nombre moyen de contacts devrait être réduit de 80 % pendant le confinement, ce qui entraînera une réduction substantielle du taux de reproduction (RLD= 0,68 [0,62-0,73]). Dans ces conditions, la courbe épidémique atteint la capacité du système de soins intensifs et diminue lentement pendant le confinement. La levée du confinement sans stratégie de sortie conduirait à une deuxième vague qui submergerait largement le système de santé. Il est nécessaire de procéder à un dépistage et à un isolement renforcé pour envisager des stratégies de distanciation sociale qui assouplissent progressivement les contraintes actuelles (retour au travail d'une plus grande partie des individus, réouverture progressive des activités), tout en maintenant les écoles fermées et l’isolement des personnes âgées. La France étant confrontée à la première vague de la pandémie de COVID-19 en confinement, des formes intensives de distanciation sociale sont nécessaires dans les mois à venir en raison de l'immunité actuellement faible de la population.

La recherche de cas et l'isolement à grande échelle permettraient de relâcher partiellement la pression socio-économique causée par les mesures extrêmes, tout en évitant que la demande de soins de santé ne dépasse les capacités. La planification de la réponse doit de toute urgence donner la priorité à la logistique et à la capacité de ces mesures.

Principales différences avec le rapport #8

Le modèle est étendu pour prendre en compte :

  1. trois classes d'âge, dont les personnes âgées (65 ans et plus), car elles représentent le groupe d'âge à haut risque de complications ;
  2.  les hospitalisations et les admissions en soins intensifs, paramétrées sur la base des données hospitalières de l'Île-de-France ;
  3.  les personnes asymptomatiques et les différents degrés de gravité des symptômes, sur la base des observations de l'épidémie italienne de COVID-19 et des estimations disponibles à partir des données de cas individuels de la Chine et d'autres pays.

Le modèle est calibré sur les données d'admission à l'hôpital dans la région Île-de-France, ce qui conduit à un indice de contagion plus élevé que celui estimé précédemment sur les données sentinelles pour la surveillance des maladies de type grippal (rapport n°8). Cela réduit l'efficacité des mesures estimées précédemment. Des mesures supplémentaires de distanciation sociale, y compris le confinement et les stratégies de sortie possibles, sont testées.

 

Introduction :

Plus de la moitié de la population mondiale est actuellement soumise à des formes strictes de distanciation sociale, plus de 90 pays sont bloqués pour lutter contre la pandémie de COVID-19. La France a mis en place le dispositif de confinement à partir du 17 mars 2020 pour une durée de deux semaines, et l'a récemment prolongé au-delà du 15 avril. L'objectif de cette mesure est d'augmenter de manière drastique la distance sociale entre les individus pour briser les chaînes de contagion et réduire la propagation de COVID-19. Il s'agit d'une mesure sans précédent qui n'était auparavant appliquée qu'en Italie, en Espagne et en Autriche, à l'instar de la Chine, pour freiner l'augmentation spectaculaire des hospitalisations et des admissions en soins intensifs qui approchent la saturation du système de santé. La mise en œuvre de mesures extrêmes de distanciation sociale, notamment des restrictions de mobilité, l'interdiction des rassemblements de masse, la fermeture d'écoles et d'activités professionnelles, l'isolement et la quarantaine, a permis de contrôler la première vague de la pandémie de COVID-19 en Chine. Une telle couverture exceptionnelle et un degré de mesures intensif, associés à une application stricte de la loi, pourraient être la clé du résultat. On ne sait pas encore comment cela se passera en Europe. Mais surtout, il faut étudier la manière d'assouplir des contraintes aussi strictes sur la vie sociale et l'économie tout en contrôlant la crise sanitaire.

Nous utilisons ici un modèle mathématique structuré par âge pour :

(i) évaluer la situation actuelle de la pandémie de COVID-19 en France ;

(ii) évaluer l'impact attendu du confinement mis en œuvre à l'échelle nationale le 17 mars 2020 ; et

(iii) estimer l'efficacité des stratégies de sortie possibles.

Le modèle est appliqué à la région Île-de-France (aujourd'hui fortement touchée par l'épidémie), il est piloté par les données et calibré sur les données d'admission dans les hopitaux de la région. Différents types et durées de mesures d'éloignement social sont explorés, notamment une levée progressive du confinement ciblé sur des classes spécifiques d'individus (par exemple, permettre à une plus grande partie de la population d'aller travailler, tout en protégeant les personnes âgées), et des tests à grande échelle pour la recherche de cas et l'isolement. L'objectif est d'identifier les stratégies possibles pour réduire l'impact sur la santé publique après la levée du confinement.

 

Méthodologie

Nous considérons un modèle stochastique discret d'épidémie structuré par âge, basé sur les données démographiques et le profil d'âge de la région Île-de-France (Figure 1).

 Les classes d'âge considérées sont : [0-18], [19-64] et 65 ans et plus, appelés respectivement enfants (c), adultes (a) et seniors (s). Nous utilisons des matrices de contacts sociaux mesurées en France en 2012 par une enquête sur les contacts sociaux. Les matrices représentent le mélange dans le scénario de base (sans mesure) entre les individus de ces trois groupes d'âge (figure 1), en fonction du type d'activité et du lieu où les contacts ont lieu (ménage, école, lieu de travail, transport, loisirs, autres) Les mesures sont modélisées par des modifications des matrices de contacts (voir ci-dessous).

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Figure1. (a) Nombre d’hospitalisations par 100.000 individus par région au 2/04/2020. (b) Nombre de lits de soins intensifs en Île-de-France et augmentation de la capacité en fonction du temps (c) Profil des âges en région Île-de-France correspondant aux enfants (0-18 ans), aux adultes (19-64 ans), aux personnes âgées (65 ans et plus).(d) Matrices de contact dans le scénario de base (pas de mesure de confinement) obtenues à partir des données (à gauche) et estimées pour le confinement (à droite)

Modèle compartimenté et contagion : La dynamique de la transmission suit un schéma compartimenté spécifique à  COVID-19 (figure 2), où les individus exposés sont répartis en catégories : infectés, hospitalisés, hospitalisés en soins intensifs, guéris et décédés. La phase infectieuse est divisée en deux étapes :

une phase prodromique (IP) apparaissant avant la fin de la période d'incubation, suivie d'une phase où les individus peuvent rester soit asymptomatiques (Ialpha) soit présenter des symptômes.

Dans ce dernier cas, on distingue différents degrés de gravité des symptômes, allant de la phase asymptomatique (Ips) à la phase infectieuse avec des symptômes légers (Ims) ou graves (Iss), selon les données de l'épidémie italienne COVID-19 et des données estimées de cas individuels de la Chine et d'autres pays.

Nous explorons deux valeurs de probabilité asymptomatique, à savoir

P =20% et 50%, conformément aux estimations disponibles. On suppose que les enfants deviennent asymptomatiques ou paucisymptomatiques seulement, car les données de la surveillance accrue à Shenzhen, en Chine, ont fait état d'une proportion nulle de symptômes graves et d'une proportion plus élevée d'enfants sans fièvre par rapport aux classes d'âge plus élevées. Les enfants sont considérés comme aussi sensibles que les adultes, conformément à la référence. Les individus en phase prodromique et les individus asymptomatiques (donc incluant tous les enfants) ont un taux de transmission plus faible par rapport aux individus symptomatiques, comme estimé dans la Réf.9. La sensibilité/infectiosité relative différente des enfants par rapport aux adultes a déjà été testée précédemment.

 

Le modèle compartimenté comprend l'hospitalisation et l'admission aux soins intensifs pour les cas graves. Les taux d'admission, les décès à l'hôpital, les durées de séjour après l'admission sont renseignés à partir des données des hôpitaux français APHP (Assistance publique - Hôpitaux de Paris) et rééchelonnés en région Île-de-France. L'occupation des lits de soins intensifs est l'indicateur utilisé pour évaluer la capacité de la région à faire face à l'afflux de patients nécessitant des soins intensifs.

Comme nous ne prenons pas en compte l'occupation des lits d'hôpitaux pour cette évaluation, nous négligeons le temps passé à l'hôpital après la sortie des soins intensifs

Les paramètres, les valeurs et les sources utilisés pour définir le modèle compartimenté sont énumérés dans le tableau S1 de l'annexe.

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Figure 2 : Modèle compartimenté. S=Sensibles, E=Exposés, Ip= Infectieux en phase prodromique (la durée incluant E et Ipstages est la période d'incubation), Ia=Infectieux asymptomatique, Ips=Infectieux paucisymptomatique, Ims = infectieux symptomatique avec symptômes légers, Iss = infectieux symptomatique avec symptômes graves, ICU = cas grave admis à l'ICU, H = cas grave admis à l'hôpital mais pas aux soins intensifs, R = rétabli, D = décédé.

Changement de comportement dû à une maladie grave. Nous supposons que les personnes infectées présentant des symptômes graves réduisent de 75 % le nombre de leurs contacts en raison de la maladie dont elles souffrent, comme cela a été observé lors de la pandémie de grippe H1N1 de 2009. Des réductions plus importantes sont testées en tant que mesures possibles d'auto-isolement (voir ci-dessous).

Calibrage et validation : Le modèle est calibré à partir des données hospitalières précisant le nombre d'hospitalisations positives au COVID-19 en Île-de-France avant le confinement. Les données pour cette période ont été consolidées jusqu'au 3 avril, pour tenir compte des retards de déclaration. L'incidence simulée des cas cliniques (symptômes légers et graves) est comparée à l'incidence régionale des cas COVID-19 estimée par le système de surveillance syndromique et virologique pour les semaines 12 (16 au 22 mars 2020) et 13 (23 au 29 mars).

 

 

Mesures de distanciation sociale. Nous prenons en compte des mesures de distanciation sociale en reconstruisant les changements associés aux matrices de contacts, ce qui permet de réduire le nombre de contacts engagés dans des contextes spécifiques, plus précisément :

-Fermeture de l'école : la matrice de contact pour l'école est supprimée. Nous considérons que 5% des adultes peuvent rester à la maison pour s'occuper des enfants pendant la fermeture des écoles (non appliqué avec le télétravail ou le confinement) ;

-Le télétravail effectué par un pourcentage donné de personnes : les contacts au travail et dans les transports sont réduits pour tenir compte du pourcentage de travailleurs qui ne vont plus travailler. En France, le télétravail est pratiqué quotidiennement par 6 % de la population adulte active. Nous considérons ici trois valeurs : 25 %, 50 % (comme déclaré par les participants à un système de surveillance des comportements associés au COVID-19 en France), et 70 % (à partir de la réduction du nombre de déplacements mesurée à partir des données des téléphones portables après le confinement). Les contacts dans les ménages sont augmentés proportionnellement à chaque adulte restant à la maison, sur la base de statistiques comparant les contacts en semaine et en week-end et la proportion d'adultes travaillant pendant le week-end ;

-Isolement des personnes âgées : les contacts établis par les personnes âgées sont réduits d'un pourcentage donné afin de modéliser une distanciation sociale marquée ciblant uniquement la classe d'âge présentant le plus grand risque de complications. On considère 75 % et 90 % ;

-Interdiction d'activités sociales et fermeture de toutes les activités non essentielles : les contacts établis pendant les loisirs et autres activités sont totalement ou partiellement (50%) supprimés ;

-Isolement des cas : dans un scénario où les tests sont disponibles à grande échelle et rapidement, nous considérons que 25, 50 ou 75 % des personnes infectées (y compris les personnes asymptomatiques) réduisent rapidement leurs contacts de 90 % tout au long de leur maladie, car elles s'isolent d’elles-mêmes. Cela simule le résultat d'une recherche active des contacts et d'un isolement. Pour tenir compte du retard dans la recherche, les tests et l'auto-isolement, nous considérons que les personnes infectées au stade prodromique maintiennent leurs contacts comme dans le scénario sans mesures de distanciation.

 

Les combinaisons des mesures de distanciation sociale ci-dessus simulent le confinement actuellement mis en œuvre et d'autres options moins strictes comme des stratégies de sortie (tableau 1).

Pendant le confinement, le pourcentage associé au télétravail inclut toutes les personnes qui ne se rendent pas sur leur lieu de travail (parce qu'elles travaillent à distance, qu'elles ont cessé de travailler ou autres conditions). Nous étudions la possibilité de sortir progressivement de l'isolement pour certaines catégories d'individus (par exemple, en rouvrant progressivement certaines entreprises tout en continuant à exiger un taux élevé de télétravail dans la mesure du possible), tout en maintenant une stricte distance sociale pour les personnes présentant un risque élevé de complications (par exemple, en protégeant les personnes âgées par l'isolement), ainsi qu'en augmentant les capacités de test au fil du temps.

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Tableau 1 : Combinaisons de mesures de distanciation sociale.

Les scénarios des mesures sont basés sur la mise en œuvre nationale du confinement en France à partir du 17 mars 2020 à midi. Le 27 mars, les autorités ont fixé la durée du confinement au moins jusqu'au 15 avril, et l'ont récemment prolongé. Dans nos simulations, nous testons différentes durées d'immobilisation (jusqu'à fin avril, fin mai, fin juin), combinées avec plusieurs stratégies de sortie (du tableau 1). Les calendriers des scénarios explorés sont illustrés dans la figure 3.

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Figure 3. Scénarios (code couleur identique en table 1 : CI renvoie au cas d’isolation

Evaluation : Chaque mesure de distanciation sociale est comparée au scénario de non-mesure en termes de taux d'attaque final, de période de pointe, d'incidence maximale, de demande de lits en soins intensifs dans la région. Le nombre total de lits de soins intensifs en Île-de-France a récemment été porté à 2 000 unités dans un effort pour répondre à la première vague (figure 1), avec une nouvelle augmentation prévue à 2 500. Dans l'analyse, nous supposons une capacité maximale de 2 500 lits d'USI.

Pour chaque scénario, nous effectuons 100 passages stochastiques, les courbes médianes sont affichées ainsi que les plages de probabilité associées de 95 %.

 

Analyse de sensibilité.

Les résultats rapportés dans le document principal se réfèrent à palpha =0,2 ceux pour  palpha =0,5 sont présentés en annexe. Nous comparons le confinement basé sur notre matrice reconstituée avec

  1. un confinement moins strict en vertu de la réduction des contacts mesurée au Royaume-Uni ; et
  2.  un confinement plus strict en vertu de la réduction des contacts mesurée en Chine ;
  3.  les stratégies de sorties 1 à 4 sont également testées avec un confinement levé en juin, pour tenir compte du temps qui peut être nécessaire pour la préparation à la recherche de cas, aux tests et à l'isolement.

RÉSULTATS

Nombre de contagions, début de l'épidémie, population infectée. Le nombre de contagions pour notre modèle est estimé à R0 =3,0 [2,8-3,2] (intervalle de confiance de 95%), calculé avec l'approche de la prochaine génération basée sur le taux de croissance hebdomadaire estimé des admissions à l'hôpital en Île-de-France avant le confinement (figure 4). Une fois calibrées sur les données hospitalières, les incidences hebdomadaires simulées des cas cliniques pour les semaines 12 (avant le confinement) et 13 (après le confinement) sont compatibles avec les estimations de l'incidence régionale issues de la surveillance syndromique et virologique (figure 4).

Les hospitalisations rapportées correspondent à une épidémie apparue dans la région fin janvier/début février 2020. Le pourcentage estimé de la population infectée en Île-de-France à la fin de la semaine 14 (30 mars au 5 avril 2020) varie entre 1 % et 6 % en considérant les deux valeurs de probabilité asymptomatique (figure 4, et annexe pour le scénario de taux asymptomatique plus élevé). Le taux global de mortalité due à l'infection est estimé entre 0,8 % et 1,3 %.

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Figure 4 : Calibrage du modèle et estimations de l'incidence hebdomadaire et du pourcentage de la population infectée.

(a) Calibrage du modèle sur les données d'hospitalisation journalière en Île-de-France avant le confinement. (b) Simulation de l'incidence hebdomadaire des cas cliniques (légers et graves) par rapport aux estimations des cas positifs au COVID-19 dans la région fournies par la surveillance syndromique et virologique (données du Réseau Sentinelles (RS)). (c) Pourcentage simulé de la population infectée au fil du temps. Les résultats sont indiqués pour palfa=0,2 Les zones ombrées correspondent à un IC de 95 %.

Confinement suivi d'une combinaison de mesures de différents degrés d'intensité.

Les modifications des matrices de contact reconstituées pour simuler les mesures de distanciation sociale mises en œuvre pendant le confinement réduisent le nombre de contacts de 80 % par rapport aux schémas de mélange de base (figure 1). Cela permet une réduction substantielle du nombre de reproduction en dessous de 1 (RLD = 0,68 [0,62-0,73]). Dans ces conditions, l'incidence des cas cliniques ralentit et diminue pendant le confinement, le nombre correspondant de lits occupés dans les USI (Unités de Soins Intensifs) saturant vers la capacité actuelle estimée dans la région avant de décélérer lentement et de diminuer au fil du temps, ce qui est conforme aux observations (figure 5). En supposant une diminution de 90 % pendant le confinement, on prévoit une diminution plus rapide de l'occupation des lits, ce qui n'est pas conforme aux données. Avec une réduction moins rigoureuse (73 %), RLD  se situe autour de 1 et la tendance des lits occupés dans les USI devrait continuer à augmenter. Les observations faites jusqu'à présent sont également cohérentes avec cette possibilité.

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Figure 5 : Projections de confinement par rapport aux données disponibles. a) Incidence quotidienne simulée des admissions dans les USI au fil du temps. (b) Nombre simulé de lits d'USI occupés pendant le confinement. (c) Nombre simulé de lits d'USI occupés en supposant un confinement moins strict, en vertu de la réduction des contacts mesurée au Royaume-Uni (73%), et un confinement plus strict, en vertu de la réduction des contacts mesurée en Chine (90%). Dans tous les graphiques, les scénarios de base et de confinement sont indiqués ; la ligne verticale en pointillés indique le début du confinement ; les lignes horizontales indiquent la capacité des USI dans la région (voir figure 1b) ; les zones ombrées correspondent à des plages de probabilité de 0,95. Le modèle est calibré sur les données d'admission à l'hôpital avant le confinement (Fig. 4), c'est-à-dire dans la période indiquée par les points noirs, en tenant compte du délai moyen entre l'infection et l'admission à l'hôpital. Les points blancs (avec bordure noire ou blanche) indiquent les données au-delà de la période de calibrage ; les points entièrement blancs indiquent les points de données non encore consolidés au moment de la rédaction du présent document.

La levée du confinement sans stratégie de sortie entraîne un retard du pic par rapport au scénario « sans mesure » (retard d'environ la durée du confinement) avec un effet minimal sur l'incidence du pic (figure 6). Si aucune stratégie n'est mise en œuvre après le confinement, on estime que le nombre de lits d'USI (Unité de Soins Intensifs) requis en période de pointe est plus de 40 fois supérieur à la capacité régionale.

Des mesures combinées de différents degrés d'intensité, mises en œuvre indéfiniment après la levée du confinement au début de mai, retardent considérablement et atténuent l'épidémie (figure 6). La fermeture des écoles associée à l'isolement des personnes âgées et à des mesures légères réduisent le pic d'incidence d'environ moitié (40%, 55% respectivement). Les mesures d'intensité modérée ou supérieure (c'est-à-dire que les écoles sont fermées, 50 % des personnes actives travaillent à distance et au moins 50 % des activités non essentielles sont fermées ; les personnes âgées restent isolées) suppriment le pic avec une réduction de plus de 80 %, gagnant 1,5 à 3 mois supplémentaire par rapport à la stratégie de non sortie. Malgré la forte atténuation de ces scénarios, la demande de pointe sur le système de soins de santé devrait cependant dépasser largement la capacité si les mesures sont au plus d'intensité modérée (10 à 30 fois plus élevées que la capacité)(Figure 6). Une mesure stricte nécessiterait encore 2,5

fois  la capacité du système pendant la deuxième vague.

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Figure 6 : Simulation de l'impact d'un confinement de différentes durées et stratégies de sortie. (a) Incidence quotidienne simulée des cas cliniques en supposant un confinement jusqu'à fin avril, fin mai, fin juin. (b) Demande correspondante de lits en USI. (c) Incidence journalière simulée de cas cliniques en supposant un confinement jusqu'à la fin avril, suivi d'interventions de degré d'intensité variable. (d) Demande correspondante de lits de soins intensifs. (e) Réduction relative de l'incidence maximale et de la taille de l'épidémie après un an pour chaque scénario. (f) Demande de pointe dans les USI par rapport à la capacité des USI de la région (2 500 lits18) Dans tous les tableaux, le code couleur est celui du tableau 1, et les scénarios sont identifiés comme indiqué dans la figure 3. Les zones verticales colorées indiquent la période d'immobilisation dans le cadre des différentes mesures. Le scénario de base correspond à une absence d'intervention. Les résultats sont indiqués pour palfa=0,2 Les zones ombrées correspondent à des plages de probabilité de 0,95.

 

Mesures de distanciation sociale avec isolement des cas.

 La mise en œuvre d'une recherche active des cas et de l'isolement ainsi que de la distanciation sociale permettrait de débloquer la situation en mai, en engageant les services des USI en dessous de leur capacité maximale tout au long de l'épidémie (figure 7). La réduction rapide de la pression sur le système de santé nécessite toutefois des mesures strictes avec un dépistage très efficace pendant le premier mois suivant le confinement (75 % des cas isolés aux sorties 3 et 4). Un mois supplémentaire de confinement permettrait de continuer à réduire le nombre de cas tout en renforçant les capacités.

À moyen et long terme, des mesures de distanciation sociale d'intensité différente peuvent être maintenues, en fonction de la capacité de dépistage et d'isolement. Par exemple, des mesures strictes si seulement 25 % des cas sont rapidement identifiés et isolés (sortie 2), ou des mesures modérées si cette capacité est augmentée (50 % de cas isolés, sortie 1). Ces deux scénarios prévoient cependant l'occupation de plus de 1 000 lits dans l'USI pendant plusieurs mois, également au-delà de l'été. La levée de l'isolement 1 mois plus tard permettrait de réduire le nombre de lits occupés à moins de 1 000, probablement en juin.

Il serait possible d'assouplir davantage les contraintes de distanciation sociale (par exemple en permettant à une plus grande proportion d'individus d'aller travailler et en permettant la réouverture complète des activités) en passant progressivement par des niveaux décroissants d'intensité des mesures (du confinement aux mesures strictes, puis aux mesures légères par la suite) tout en maintenant un traçage très efficace (sortie 3). Par ailleurs, les mesures strictes et légères peuvent être alternées chaque mois si la capacité d'isolement des cas est modérément élevée (sortie 4).

 

Tous ces scénarios prévoient cependant que les écoles soient fermées et que les personnes âgées restent isolées. L'efficacité des stratégies de sortie est d'autant plus grande qu'une plus grande proportion des personnes infectées est asymptomatique, car une plus petite fraction des individus dans la population aurait des symptômes graves nécessitant une hospitalisation (annexe). Par exemple, le scénario à mesures strictes mis en œuvre indéfiniment après la levée du confinement en mai conduirait à une deuxième vague comme celle que connaît actuellement la région.

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Figure 7 : Impact simulé des stratégies de confinement et de sortie avec des tests à grande échelle et l'isolement des cas. a) Nombre de cas cliniques simulés chaque jour en supposant les stratégies de sortie progressives illustrées à la figure 3. (b) Demande correspondante de lits en USI. (c) Comme en (a) avec des stratégies de sortie mises en œuvre un mois après, c'est-à-dire en maintenant un confinement jusqu'à la fin mai. (d) Demande correspondante de lits de soins intensifs.

DISCUSSION

Nous utilisons un modèle stochastique de transmission épidémique structuré par âge calibré sur les données d'admission à l'hôpital en Île-de-France pour évaluer l'impact attendu des stratégies de confinement et de sortie dans le contrôle de l'épidémie de COVID-19 dans la région. Notre estimation du taux de contagion avant le confinement est conforme aux estimations de la croissance de l'épidémie en Europe avant la mise en œuvre des mesures et résulte d'une méta-analyse de la littérature. Nous prévoyons qu'il a diminué de manière significative pendant le confinement avec les plages de probabilité suggérant la valeur actuelle inférieure à 1.

Dans ces conditions, la courbe épidémique s'aplatit, puis diminue progressivement au fil du temps. Ce comportement est conforme aux données hospitalières recueillies jusqu'à présent, et qualitativement en accord avec les observations faites en Italie, où les courbes d'admission à l'hôpital ont atteint un plateau et suggèrent une tendance à la baisse après plusieurs semaines de confinement. Si la réduction des contacts induite par l'éloignement social avait été aussi forte que celle mesurée en Chine, on aurait pu s'attendre à ce que le confinement permette de contrôler plus rapidement l'épidémie. Les projections dans ce scénario sont cependant en contradiction avec les données actuelles en France.

La levée du confinement sans stratégie de sortie entraînera inévitablement des effets de rebond importants, car l'immunité de la population est estimée encore très faible (de 1 % à 6 % si l'on considère les deux valeurs de probabilité asymptomatique explorées), en accord avec d'autres estimations basées sur la modélisation statistique. Des mesures prolongées d'intensité modérée à élevée pourraient en outre retarder le pic épidémique d'au moins 1,5 mois par rapport à la stratégie de non-exclusion et réduire son incidence maximale de plus de 80 %, mais n'éviteraient pas de dépasser la capacité des USI (demande de pointe de 2,5 à 10 fois la capacité des USI de la région). Même avec une augmentation de 250 % de la capacité des USI pour faire face au deuxième pic, des mesures strictes seraient nécessaires pour toute l'année suivante.

Pour contrôler l'épidémie sans saturer le système de santé, il faut associer des mesures de distanciation sociale à des tests fréquents afin d'identifier rapidement les individus infectieux et les isoler. La capacité de réaction est essentielle pour lever le confinement, de sorte que le calendrier de ces mesures doit être soigneusement planifié en fonction du degré de préparation atteint. Nous envisageons différents niveaux de capacité de dépistage à partir du mois de juin. Si l'isolement des cas est réalisé en moyenne 1,5 jour après l'infection et est efficace (réduction de 90 % des contacts), nous constatons qu'il faudrait identifier au moins 75 % de tous les nouveaux cas pour réduire rapidement la charge pesant sur le système de santé au cours du mois de mai, pendant que des mesures intensives sont mises en place. Une capacité de dépistage plus faible ou des mesures moins intensives dès le mois de mai nécessiterait plusieurs mois avant que le nombre de patients en soins intensifs en Île-de-France passe sous la barre des 1 000. Dans ces conditions, un confinement plus long jusqu'en juin permettrait de relâcher la pression sur le système de santé pendant que les capacités en seraient renforcées. Les avantages de ces mesures iraient au-delà de l'atténuation de l'épidémie et s'étendraient à la révision et à l'optimisation des protocoles afin d'améliorer la recherche et l'isolement des cas par rapport à la première phase de l'épidémie, dans des conditions plus contrôlées (réduction du mélange de population).

La recherche rapide, efficace et à grande échelle des contacts est un élément essentiel permettant de libérer partiellement les contraintes de distanciation sociale dans les mois à venir. Cela nécessiterait des technologies numériques qui sont actuellement étudiées en Europe à l'instar de la réponse à COVID-19 des pays d'Asie. Les contraintes logistiques doivent être envisagées, y compris la capacité de diagnostic rapide et à grande échelle, l'adoption à grande échelle de la technologie de recherche des contacts par la population, l'adoption des recommandations et la coordination entre les pays pour permettre la recherche des contacts au-delà des frontières. L'efficacité de la mesure pourrait être améliorée en planifiant l'isolement des cas dans des conditions qui pourraient réduire encore plus leurs contacts avec d'autres personnes, par exemple dans des chambres d'hôtel individuelles. La transmission se produisant rapidement et avant même l'apparition éventuelle d'un ensemble de symptômes, il est également essentiel de prolonger les mesures.

L'ensemble des mesures légères ou modérées envisagées ici impose encore plusieurs limites. Nous avons testé des stratégies permettant à une plus grande partie de la population de retourner au travail, et de soulager partiellement l'énorme pression économique générée par le confinement. L'incertitude économique mondiale atteint un niveau record, en raison de la crainte d'une propagation de la pandémie de COVID-19, des pertes de revenus et du blocage des économies à l'échelle mondiale en raison de mesures exceptionnelles qui ont gelé la production. Le confinement a probablement eu pour effet secondaire de créer une forte possibilité de réorganiser certaines activités professionnelles afin de rendre le télétravail possible et efficace à plus grande échelle que prévu. Avant le confinement, une très petite fraction des Européens pratiquait le télétravail. Si ce changement de paradigme est maintenu au-delà de la  réponse à l'urgence, il serait extrêmement précieux à moyen et long terme pour aider à contrôler et maintenir l'épidémie en dessous de la saturation des systèmes de santé. On peut envisager une rotation des personnes travaillant à domicile (par exemple, toutes les semaines ou toutes les deux semaines) pour maintenir les niveaux de distanciation sociale requis dans la communauté tout en assurant des connexions avec la vie réelle.

Nous examinons ici les mesures inchangées concernant les enfants et les personnes âgées dans tous les scénarios. Les écoles sont supposées rester fermées. Plusieurs pays préparent déjà les examens finaux dans des conditions de confinement, c'est-à-dire en considérant que les écoles ne rouvriront peut-être pas avant l'été. En outre, les personnes âgées sont considérées comme restant isolées (réduction de 75 % des contacts), car elles sont particulièrement vulnérables au COVID-19. La planification pour les mois à venir dans ces conditions devrait inclure la logistique pour faciliter la vie quotidienne des personnes âgées au-delà de cette phase d'urgence, par exemple en améliorant la livraison des produits d'épicerie et des médicaments, en facilitant l'accès à distance aux soins de santé, en fournissant des programmes d'apprentissage pour l'utilisation des technologies pour rester connecté, et d'autres initiatives. La réouverture des écoles à l'automne/hiver devrait être envisagée dans les mois suivants, une fois que l'impact de ces mesures aura été évalué.

Nos évaluations sont basées sur la capacité actuelle des unités de soins intensifs qui a déjà été largement augmentée ces dernières semaines pour faire face à l'augmentation rapide du nombre de patients dans des conditions critiques. Les capacités ont été étendues et mises à rude épreuve dans les régions les plus touchées, et les patients ont été transférés dans d'autres régions pour y recevoir des soins adéquats. En se concentrant sur le long terme, des investissements systématiques visant à accroître encore ces capacités (notamment les structures, le matériel, le personnel et les programmes de formation) peuvent contribuer à accélérer le processus d'immunisation de la population et à réduire la durée globale de l'épidémie. Les coûts économiques et logistiques associés doivent être pris en compte, de même que l'impact socio-économique de la distanciation sociale, pour planifier la réponse à long terme à la pandémie.

Nous n'avons pas inclus l’effet de l'utilisation de masques comme équipement de protection individuelle. Tandis que de grandes incertitudes subsistent quant au rôle des différentes voies de transmission de COVID-19, les résultats sur les coronavirus saisonniers indiquent que les masques chirurgicaux peuvent réduire la transmission ultérieure. Les masques sont largement adoptés en Asie, alors qu'ils viennent de devenir une protection recommandée ou obligatoire dans certaines régions d'Europe et des États-Unis, principalement par mesure de précaution. Si ils sont efficaces, leur utilisation généralisée peut contribuer à réduire le risque de transmission dans la communauté. À mesure que les preuves épidémiologiques s'accumulent, cet effet peut être pris en compte et contribuer à alléger encore les mesures de contrôle.

Nous n'avons pas pris en compte le comportement saisonnier dans la transmission virale, en raison du manque actuel de preuves. Dans nos simulations d'épidémies, de multiples pics sont observés en raison de la mise en œuvre de mesures de distanciation sociale capables de réduire le nombre de contamination en dessous de 1. Si l'on doit s'attendre à un forçage saisonnier, l'interaction avec la saisonnalité doit être soigneusement prise en compte dans la planification des stratégies de contrôle à court et long terme. Nous avons testé deux valeurs pour la probabilité asymptomatique, car il existe encore une grande incertitude. Peu d'études ont examiné l'évolution clinique des symptômes dans le temps jusqu'à la disparition du virus. Des études supplémentaires sur les ménages, actuellement lancées en Europe, permettront de mieux comprendre la présence de cas asymptomatiques et leur contribution à la transmission. Les données disponibles jusqu'à présent semblent indiquer que cette fraction pourrait être faible, c'est pourquoi nous avons présenté dans le document principal les résultats pour Palfa = 0,2. Les estimations de la gravité par âge et des taux de létalité des cas évoluent encore rapidement et varient souvent d'un pays à l'autre en raison des différents systèmes de surveillance et protocoles de test mis en place. Nous avons utilisé ici des estimations de la gravité par âge fondées sur une analyse modélisée de données individuelles provenant de la Chine et d'autres pays. Les taux décrivant la durée d'hospitalisation et les résultats d'un patient ont été basés sur des données françaises. Les taux de mortalité par infection estimés par notre modèle sont conformes aux estimations fournies dans la Réf.20. Nous ne considérons pas ici les données sur les comorbidités qui modifieront les taux d'hospitalisation et de mortalité. Des tests à grande échelle en France permettront d'estimer de manière robuste les taux d'hospitalisation par âge afin de mieux informer le modèle.

Nos résultats sont basés sur les changements reconstruits mécaniquement dans les matrices de contact qui visent à reproduire les mesures de distanciation sociale mises en œuvre, comme cela a été fait dans les travaux précédents. Bien que la reconstruction des changements dans les matrices de contact reste arbitraire, les éléments disponibles confortent nos estimations. Premièrement, notre prévision d'une réduction de 80 % du nombre moyen de contacts pendant le confinement est inférieure à celle mesurée en Chine dans les villes de Wuhan (86 %) et de Shanghai (89 %). Des mesures plus strictes ont été mises en œuvre en Chine pendant le confinement par rapport à l'Europe, notamment la suspension complète des transports publics, l'interdiction des voitures sur les routes sauf pour les services essentiels, l'interdiction pour les résidents de quitter l'appartement dans certaines zones ou la limitation à un membre du ménage quelques jours par semaine, la réalisation de contrôles sanitaires au porte-à-porte pour identifier et isoler les personnes malades. Ces mesures devraient donc avoir un effet plus important sur la réduction du nombre de contacts par individu que les mesures de distanciation sociale mises en œuvre dans de nombreux pays européens. En effet, dans les conditions mesurées en Chine, notre modèle prévoit que le système de soins intensifs recevra moins de patients et se libérera plus rapidement que ce que nous constatons actuellement dans les données. Deuxièmement, notre prévision concernant la réduction des contacts est proche, mais supérieure à la réduction de 73 % estimée empiriquement dans une récente enquête sur les contacts sociaux menée au Royaume-Uni pendant la phase de confinement. La mise en œuvre de la distanciation sociale diffère cependant dans les deux pays. Par exemple, au Royaume-Uni, les parcs restent ouverts, aucune auto-déclaration n'est nécessaire pour circuler et les déplacements ne sont pas limités en termes de distance. En supposant les conditions mesurées au Royaume-Uni, le modèle prévoit un premier pic dans les semaines à venir qui dépasse largement la capacité de l'USI. Troisièmement, n'étant pas adaptées à la période de confinement, nos matrices de contact reconstruites à partir des données de contact social conduisent à des projections de modèle conformes aux observations actuelles. Les tendances des données d'hospitalisation devraient être suivies de près dans les semaines à venir. Dans l'ensemble, avec des fluctuations du taux de contagion proches de 1, des changements dans ces estimations peuvent conduire à des résultats différents. Une meilleure compréhension peut être obtenue de deux manières. Premièrement, la collecte de données de contact en France pendant le confinement, comme cela a été fait au Royaume-Uni, permettrait de mieux mesurer les schémas de mélange modifiés par la distanciation sociale. Toutefois, cela dépendra probablement de la durée du confinement, des changements éventuels dans l'adhésion de la population au fil du temps et du renforcement consécutif des mesures prises par les autorités. De ce fait, de multiples efforts de collecte de données pourraient être nécessaires. Deuxièmement, à mesure que de nouvelles données sur les épidémies deviennent disponibles, le modèle peut être recalibré pendant la phase de confinement pour mettre à jour les projections à court terme sur la demande des USI dans la région. Bien que les conclusions générales sur les scénarios soient plutôt robustes à de telles mises à jour, des variations supplémentaires des stratégies de sortie peuvent également être explorées dans l'ensemble des mesures plus spécifiques à l'évolution de la situation en France. Nos résultats sont spécifiques à l'Île-de-France, actuellement l'une des régions les plus touchées par l'épidémie de COVID-19 dans le pays, et ne sont pas directement applicables aux autres régions. Il faut s'attendre à peu de différences dans les résultats en raison des variations du profil d'âge entre les régions. Les changements les plus pertinents découleront toutefois de la phase épidémique différente que connaît chaque région au moment de l'application du confinement à l'échelle nationale. Dans l'ensemble, les conclusions relatives aux stratégies de sortie restent valables, mais des mesures plus spécifiques, ciblant différemment les régions, peuvent être envisagées. La France, comme beaucoup d'autres pays dans le monde, est actuellement en confinement pour freiner l'augmentation spectaculaire du nombre de patients dans des conditions critiques. Il est essentiel d'évaluer l'impact du confinement et d'identifier les stratégies optimales pour gérer la crise sanitaire au-delà du confinement. Une mise à distance sociale intensive sera nécessaire dans les prochains mois en raison de l'immunité actuelle, très faible, de la population. Compte tenu des caractéristiques de la pandémie COVID-19, il est nécessaire de procéder à une recherche approfondie des cas et à un isolement après le confinement afin de réduire progressivement l'intensité des mesures actuelles et d'éviter que le système de santé ne soit saturé. La planification des mesures doit de toute urgence donner la priorité à la logistique et à la capacité de ces mesures.

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