Contribution au débat du 39 ème congrès du PCF
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Malaise dans le mouvement communiste
J’ai hésité longtemps avant de produire une contribution aux débats du XXXIXe congrès du PCF.
J’ai voté –par défaut- pour la plateforme de discussion proposée par le Conseil National après avoir longtemps hésité pour savoir si j’allais m’abstenir, et je n’avais guère envie d’intervenir dans le débat actuel, mais une contribution dans la tribune de discussion me fait réagir.
D’abord une première remarque : les deux textes proposés comme plate forme de discussion au congrès eussent pût être écris il y a trente ou quarante ans.
Les discussions, souvent ressortissant plus à du ressenti qu’à une analyse marxiste, restent sur la « surface des choses ». Le malaise dans le mouvement communiste occidental tient selon moi à un déficit théorique et idéologique, le congrès d’Argenteuil est resté lettre morte !
En tant que marxiste, j’ai appris que pour reprendre une formule bien connue (mais ignorée dans la pratique théorique) que : « l’histoire de l’humanité c’est in fine l’histoire de ses forces productives ».
Or depuis une cinquantaine d’années, disons depuis les années 70-80 du XXe siècle, une véritable révolution submerge toute l’activité humaine, qu’elle soit ou non productive (il y a quarante ans ce texte eut été tapé à la machine à écrire et posté physiquement !). Si on veut bien considérer que lors des années 70, les ordinateurs sont entrés dans les entreprises, d’abord pour la gestion, mais rapidement aussi pour l’automatisation, puis dès 1980 avec le minitel qui a mis la société en réseau (abandonné au profit de l’internet des USA par la veulerie de l’équipe Jospin alors que tout était prêt en France pour prendre internet de court ; le projet –Cyclade- en témoigne).
En 2002 est paru aux éditions du temps des cerises un ouvrage intitulé Cyber révolution et perspective communiste essayant d’attirer l’attention sur ces transformations et leurs conséquences sur la société, à la fois sur les dangers et nouvelles aliénations engendrées, mais aussi par les perspectives qu’elles offraient en termes de libération humaine – à condition de les comprendre et de s’en emparer- préfacé par l’Académicien mathématicien communiste Jean Pierre Kahane qui y voyait un renouvellement de la pensée communiste.
En 2022 est parue une version entièrement ré-écrite de Cyber Révolution & Révolution sociale. Vingt ans se sont écoulés entre ces deux ouvrages, la Cyber Révolution a pris son envol et est entrain de transformer toute la société et va bouleverser notre mode de production et d’échanges, une auteure, Cathy O’Neil, spécialiste d’informatique n’hésite pas à éditer un livre dont le titre et : « Algorithmes, la bombe à retardement » dans lequel elle traite des bouleversements sur l’emploi et plus généralement la façon de produire les richesses. Il paraît ainsi des dizaines d’ouvrages et des centaines d’articles sur ce thème qui impacte et va croître et transformer nos vies.
En même temps, le nouveau système technique qui se met en place offre les prémisses de ce que pourrait être une société débarrassée de l’exploitation capitaliste par un dépassement de son mode de production et d’échange (ce qui distingue une société d’une autre, c’est la façon dont les marchandises y sont produite et échangées…) c’est-à-dire la substance même d’un programme se voulant communiste.
Je constate que rien, j’écris bien rien de tout cela ne transparaît dans aucun des deux textes prétendant à être base de discussion, ni plus généralement dans les productions tant théoriques qu’idéologiques du mouvement communiste français.
Conscient « qu’il se passait quelque chose » Paul Boccara avance, au tournant des années 80 du XXe siècle, faisant un parallèle avec le concept de révolution industrielle de Marx, le concept de révolution informationnelle, concept qui, selon moi ne permet pas de saisir l’essence de ces transformations en cours, mais au moins montre qu’un intellectuel communiste a compris qu’il y avait là un enjeu.
La vision de Boccara de sa révolution informationnelle, c'est :transférer dans des machines d’un nouveau type (ordinateurs) certaines opérations du cerveau humain, ce qui permet de faire appel comme jamais à l’intelligence humaine, pour traiter les informations complexes, développer la communication entre les services, les producteurs et les usagers
Cette vision est uniquement centrée sur les ordinateurs, l'informatique stricto-sensu. Malheureusement, dans les années 80, les réseaux sont encore balbutiants, même si le minitel a déjà pris une plce non négligeable qui eut pû permettre à la science françaie d'être le moteur d'un internet, mais la veulerie des dirigeants politiques d'alors les fera passer sous les fourches caudines US.
Dans les années 1990-2000, la place des réseaux (internet, web, GAFA ...) devient majeure dans le nouveau système technique, c'est là l'aspect cybernétique qui fusionne avec l'informatique en tant que telle. C'est ce qui nous conduits, Jean Pierre Nigoul et moi à avancer le concept de Cyber-révolution !
Il est temps de se remettre au travail.
Un plan pourraît en être :
- approche critique de la Cyber révolution. Cette dernière se caractérise par la fusion de l’informatique avec la cybernétique de Wiener.
La rupture épistémologique est due à un mathématicien britannique Alan Mathison Turing en 1936 qui invente une machine théorique, une expérience de pensée, la machine de Turing universelle qui sera à l’origine des ordinateurs et de l’industrie informatique et de ce qu’on a appelé la révolution numérique. Il faudra attendre les années 80-90 du XXe siècle pour que s’opère la jonction avec la Cybernétique de Norbert Wiener inaugurant ainsi l’ère de la Cyber révolution dont le dernier enfant en date est ce qu’on a appelé Intelligence Artificielle ou I.A. ainsi que les réseaux sociaux et autres big data.
- une ré-évaluation de la dialectique aliénation-émancipation du travail , à l’aune de la Cyber Révolution, du travail et du rapport au travail, en tant qu’aliénation tel qu’il est ressenti actuellement par les travailleurs (d’où la bataille sur les retraites) travail contraint (voire livre 3 du Capital), et ce qu’il pourraît et devrait être dans une perspective communiste comme élément d’émancipation (voire Fin de l’idéologie allemande), la Cyber révolution renvoyant aussi en l’état actuel des choses à une redéfinition de la classe des travailleurs, le terme prolétariat me semblant le plus approprié, le salariat ne recouvrant pas tout le monde du travail aliéné (cf. Ubérisation).
La nature profonde du travail lui même se trouve affectée par la cyber révolution, nécessitant d’en redéfinir à la fois le fond et les formes qu’il prend, nécessitant d’introduire le concept de travail général ou si on veut travail universel renvoyant ainsi aussi au concept de Machine de Turing Universelle ;
L’enjeu du destin commun de l’humanité (et non du village global de Steve job), de celui de la paix et du bien être commun qui suppose une prise en compte de la planète et son écosystème (qui est aussi une force productive matérielle) et qui renvoie aussi à la redéfinition des enjeux du travail en travail général alors débarrassé des critères mercantiles et adossé à la satisfaction des besoins des individus et de l’humanité en général, ce qui renvoie à une culture de paix et de coopération. Cela suppose aussi un ré-évaluation des enjeux géo-politiques, de l’impérialisme et de l’internationalisme .