Le veau d'or à l'assaut du ciel

  • Yvan Lavallée

Quand « l’honnête homme » montre l’espace, Elon musk regarde la Bourse

Ce 30 mai 2020 marque la volonté effective de privatisation de l’espace. Le premier vol spatial habité, privé, a été effectué par une fusée  de la société Space X  du multi-milliardaire Elon Musk qui l’a créée en 2002.

Techniquement, la réussite est parfaite, de plus, les vols devraient être moins coûteux pour la NASA, une partie de la fusée étant réutilisable et surtout les dits vols ne dépendent plus des vaisseaux soyouz russes qu’il fallait louer à prix d’or. La NASA en rêvait, Elon Musk l’a fait.

Pour l’instant il s’agit de missions de ravitaillement de la station spatiale internationale (ISS). La NASA devient dès lors le premier client d’Elon Musk, l’espace devient source de profits. Elon Musk ne saurait s’en contenter, il ne s’arrêtera pas là, il compte organiser des voyages « d’agrément » dans le cosmos sans doute l’année prochaine, voyages privés, «d’agrément » très chers et donc effectués par des passagers très riches, tourisme de grand luxe sans grand intérêt scientifique mais très gourmand en termes de ressources.

Mais dans l’esprit de Musk, il ne s’agit là que d’une étape, la destination ultime étant la planète Mars, grâce à sa fusée Falcon heavy, la plus puissante qu’il ait testée[1]. La pollution marchande est là, la pollution tout court aussi ; toute l’aventure spatiale est chamboulée. Faut-il s’en réjouir ? Je ne pense pas qu’il faille encenser cette situation. On ne va pas tarder à déchanter en réalisant que désormais, l’univers tout entier, l’espace entre autres devient la proie de la société marchande, du système capitaliste. L’aventure spatiale est prostituée !

La logique du profit maximum devient désormais le seul critère pour la course à l’espace, du moins dans le monde capitaliste. L’espace intersidéral tarifé et offert aux milliardaires, c’est bel et bien une fois de plus, un rêve d’émancipation humaine qui est étouffé par la capitalisme pour lequel seul compte le « retour sur investissement[2] ».

La Chine et la Russie peuvent encore venir troubler ce « jeu ».

Comme le fait remarquer J.C. Guillebaud[3] , cette course au profit a déjà conquis de nouveaux marchés en lançant des paquebots de croisère pouvant transporter plusieurs milliers de passagers, paquebots qui sont entrés dans la lagune de Venise, y provoquant maints dommages allant de la dégradation d’un quai à l’ébranlement général des constructions le long du grand canal. Ce tourisme, juteux pour ses organisateurs, est éphémère et dangereux en cas d’épidémie comme l’a montré l’actualité ; il est déjà obsolète.

Dans ce contexte il faut aussi se pencher sur la personnalité d’Elon Musk qui est loin, très loin d’être un démocrate ou un humaniste, il est un des soutiens de la politique de Trump (sauf pour le climat).

Elon Musk a la prétention, le projet, de transformer l’humanité en une civilisation spatiale. Il veut utiliser sa flotte de fusées en la modifiant, pour réduire le temps de déplacement entre les grandes villes Terrestres et à terme d’établir des colonies humaines sur la Lune et la planète Mars.

En bons conquérants capitalistes qui se respectent, insensibles aux intérêts de l’humanité qui ne recoupent pas les leurs, il y a tout à craindre de cette privatisation de la conquête spatiale. Comme ils ont posé des brevets sur le vivant et plus généralement sur toute activité humaine susceptible de générer du profit, on peut envisager une privatisation, une appropriation de la Lune ou de Mars.

Space X la société d’Elon Musk, pourrit déjà l ‘espace circumterrestre d’une nuée de satellites de communication, c’est le projet Starlink afin de créer un réseau parallèle privé à internet sans fil performant. Bien que se référant à la 5G, ce projet n’a pas grand chose à voir technologiquement, il n’aura de réel intérêt que pour fournir des connexions internet dans des zones très isolées. Starlink c’est une nuée de satellites dont Jusqu'à présent, 300 satellites ont été mis en orbite. Mais au total, ce n’est pas moins de 12.000 satellites, puis 42.000 plus tard que star Link a prévu de placer en orbite autour de la Terre dans le cadre du projet de connexion internet de Space X depuis la périphérie spatiale de notre planète. Sur orbite basse, ces satellites sont visibles de nuit suivant les endroits, ils éblouit les badauds mais cette opération au nom de la libre entreprise, se fait au mépris absolu d’une concertation avec les agences scientifiques, au point que certaines s’inquiètent déjà de la pollution visuelle engendrée et aussi de l’encombrement des trajectoires possibles pour les véhicules spatiaux satellisés à venir.

Le projet StarLink de la société Space X compte déployer un réseau internet ultra rapide sans fil grâce à une future constellation de satellites. En placant cette constellation en orbite basse, SpaceX se différencie des choix techniques actuels qui s'appuient sur de gros satellites placés en orbite géostationnaire et ainsi il compte réduire le temps de latence de connexion et réception de 25 à 35 millisecondes contre les 600 millisecondes actuelles.

Une première vague de lancement à bord de la fusée Falcon 9 a permis de déployer une soixantaine de satellites Starlink le 24 mai 2019, mais ce n’est qu’un début pour SpaceX qui souhaite déployer un total de 42.000 satellites dans le cadre de son projet Starlink. Ces projets inquiètent les scientifiques. En effet, selon l'Union of Concerned Scientists, "seuls" 2 063 satellites opérationnels étaient en orbite basse au 1er avril 2019. Ces objets spatiaux seraient donc multipliés par 20 si Starlink réalise ses ambitions. Une augmentation qui n'est pas sans effet et augmente fortement les risques de collisions., et ce d'autant plus que SpaceX est loin d'être la seule à vouloir connecter toute l'humanité à internet. Oneweb, LeoSat Enterprises ou encore Telesat sont aussi sur le coup, la conccurrence est lancée.

Comme le note « L’usine digitale » : « Le 2 septembre 2019, les contrôleurs au sol de l'Agence Spatiale Européenne (ESA) ont ordonné à leur satellite Aeolus (satellite d'observation de la dynamique de l'atmosphère terrestre) d'augmenter son altitude de 350 mètres afin d'éviter une possible collision avec l'un des satellites Starlink ». Une telle collision aurait pu avoir comme conséquence la destruction des deux satellites entraînant de plus l’ajout de nombreux débris sur l'orbite basse, débris qui polluent déjà notre espace proche et qui mettent beaucoup de temps à s’éliminer. Cette situation est révélatrice du manque actuel de réglementation ainsi que de l'absence d'un "code de la route" de l'espace.

 

Nombre de régulateurs nationaux des grands pays concernés par l’utilisation de l’Espace circumterrestre tirent la sonnette d'alarme à propos de la multiplication des satellites et saisissent l'agence des Nations-Unies afin de fixer des normes plus strictes sur les projets de méga-constellations tel celui de Starlink.

 

[1] Bien qu’Elon Musk prétende que sa fusée Falcon Heavy soit la plus puissante, on doit lui rappeler que dès 1987 (il y a 33 ans donc), la fusée soviétique Energia mettait 105 tonnes sur orbite basse contre 63 en 2020 pour Falcon Heavy.

[2] Me revient là en mémoire cette citation du grand historien soviétique Tarlé à propos de Talleyrand « Il a vendu tout le monde, sauf sa mère, il n’a pas trouvé d’acheteur », ça résume bien l’esprit du capitalisme.

[3] Sud-Ouest 7 juin 2020.

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