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Retour sur quelques concepts marxistes de base

  • Yvan Lavallée

Retour sur quelques concepts marxistes de base

Lettre à un ami lointain

 

Avertissement : Avant toute chose, il serait contraire à l’esprit même du marxisme de s’enfermer dans des définitions formelles des principaux concepts qui structurent l’analyse marxiste-léniniste.

Il y a le plus souvent au moins deux niveaux d’intervention dans les écrits fondateurs. L’un purement théorique et donc concerné par l’approche formelle, l’autre contingent qui peut ici ou là, au gré des circonstances et des moyens disponibles entrer apparemment en contradiction avec la théorie. Il faut ajouter que l’aspect dialectique fait aussi que, si la pratique se doit de tenir compte de la théorie, en tant que pratique elle est également concernée par le lieu, le temps, et le milieu dans lequel elle opère.

La théorie elle-même, qui guide l’action, est sensible aux modifications de la société et du mode de production, mais sur des temps plus longs. La complexification du mode de production et d ’échanges oblige à compléter et adapter l’analyse marxiste de la valeur 1.

Je tente ici, à partir d’une connaissance théorique élémentaire de base de donner des points de repères sensés aider à comprendre, en marxistes, la société dans laquelle nous vivons en ce XXIe siècle2.

1 Forces productives

Il nous faut ici préciser ce que sont les forces productives matérielles et les forces productives sociales qui constituent l’ensemble forces productives. Le concept de forces productives désigne les moyens de production (outils, machines, système de machines), système technique global l’ensemble des hommes qui les utilisent, ainsi que les savoirs indispensables au travail (savoir- faire des métiers traditionnels, connaissances techniques et scientifiques, bre- vets, algorithmes). Rapport de l’homme à la nature qui est elle-même une force productive, et même la force productive première. La production est toujours et en même temps sociale, rapport des hommes entre eux3On voit là se dessiner le rapport de classes de la société.

2 Outils et forces productives

Une caractéristique majeure du genre humain par rapport aux autres ani- maux, c’est son rapport à la nature et surtout à la transformation d’icelle. Certains animaux transforment leur environnement (castors ou termites par exemple) de façon sensible, mais ce n’est pas réfléchi, c’est instinctif et à l’in- fini répété. C’est une forme d’intelligence par adaptation dialectique stricte au milieu.

2.1 L’outil, la technique

L’outil, aussi primitif soit-il, apparaît en définitive, comme le premier témoignage de l’humanité, c’est à la fois le produit et le vecteur de l’homini- sation.(...) c’est un héritage que l’on conserve et qui se transmet autant dans sa matière que dans sa fabrication. Il est bien le début d’une culture. L’outil n’est pas seulement le matériau adéquat ramassé ici ou là, dans la forme que lui a donné la nature et les circonstances, c’est une matière préparée pour l’usage qu’on veut en faire, une forme raisonnée.

2.2 Le concept de force productive

Le développement des forces productives humaines et sociales est la réa- lité fondamentale, la base concrète sans l’étude de laquelle on ne peut com- prendre la structure, l’histoire des sociétés ni l’apparition des divers modes de production4.

Les forces productives concernent tout ce qui concourt à la transformation consciente de la nature par les humains. Ce sont donc les outils, machines, usines, techniques, science et technologie ; bien évidemment le système tech- nique en est une composante importante, essentielle même, l’organisation pour ce qui est des forces productives matérielles, l’organisation de la pro- duction, mais aussi l’organisation de la société. Il faut y ajouter la nature en tant que telle, la Terre, qui fournit l’eau, le support des cultures, les mine- rais, le sable du ciment, les pierres des maisons... les ressources en général. La nature (la Terre pour l’essentiel) n’étant force productive que considé- rée et utilisée comme telle. L’humain, l’humanité elle-même, est une force productive.

Ce qui a distingué l’humain dans le monde animal, car il en fait toujours partie quoiqu’il advienne, c’est la transformation consciente de la nature qui l’entoure dans laquelle et par laquelle il vit. L’intelligence animale, qui caractérise la vie, c’est l’adaptation au milieu dans lequel évolue l’être vivant, et plus encore l’adaptabilité, c’est-à-dire la résilience aux modifications du milieu et l’adaptation, éventuellement par évolution (ce qui fonde la théorie de l’évolution de Darwin), au nouveau milieu.

3 prolétariat ;

"Le prolétariat est la classe qui vit exclusivement de son travail" Dans "Le Manifeste du Parti Communiste" (1848), Marx et Engels définissent le prolétariat comme la classe des travailleurs modernes qui, ne possédant aucun moyen de production indépendant, sont obligés de vendre ou louer leur force de travail pour vivre. Ils écrivent : "Par prolétaires, on entend la classe des ouvriers modernes qui, ne possédant aucun moyen de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour subsister." En résumé, le prolétaire est un travailleur salarié, dépourvu de propriété des moyens de production, dont la survie dépend de la vente de sa force de travail. Ou encore :

"il faut entendre par prolétaire le salarié qui produit le capital et le fait fructifier, et que l’homme aux écus [. . .] jette sur le pavé dès qu’il n’en a plus besoin"5.

4 Sur l’objectivation de la lutte des classes ;

Par bourgeoisie, on entend la classe des capitalistes modernes, qui pos- sèdent les moyens de la production sociale et emploient du travail salarié; par prolétariat, la classe des travailleurs salariés modernes qui, ne possédant pas en propre leurs moyens de production, sont réduits à vendre leur force de travail pour vivre 6

5 Dictature du prolétariat

Prolétariat et bourgeoisie sont les deux pôles d’un rapport social, et ce dans toutes les couches de la population. Ainsi la cantatrice qui chante sous la férule d’un imprésario est-elle prolétarisée car elle dépend de l’imprésario qui lui remet ses gains 7

La dictature du prolétariat est la première étape de l’évolution de la so- ciété vers le socialisme, en remplacement des régimes capitalistes, qui sont des formes de la dictature de la bourgeoisie. Pour renverser la classe domi- nante qui détient tous les pouvoirs (économiques, politiques), la classe des travailleurs (le prolétariat) doit s’emparer de tous les pouvoirs, et en premier lieu du pouvoir politique et d’expropriation du Capital, non pas pour des raisons morales, mais pour le contrôle de la valeur produite par le prolétariat lui-même aux fins de répartition aux travailleurs eux-mêmes et à l’ensemble de la société.

Le prolétariat est, en effet, le moteur de l’Histoire et le moyen de trans- formation de la société car c’est sur lui que repose l’économie, c’est-à-dire les moyens de répondre aux besoins matériels de la société.

6 Socialisme

Comme son intitulé l’indique il s’agit de la socialisation des Forces Pro- ductives par le moyen de la dictature du prolétariat.

Contrairement à une vulgate trop répandue, une déformation de la théorie il n’est pas question des formes que peut prendre cette socialisation, ces formes dépendent du contexte historique dans lequel s’établit la dictature du prolétariat, du niveau économique, technique et scientifique dans lequel le prolétariat trouve le pays, du rapport de forces mondial. Le système dominant est celui de la classe dominante au plan mondial et impose souvent ses critères et peut obliger à des formes largement non optimales comme la course aux armements qui a ruiné l’URSS ou la seconde guerre mondiale qui a saigné à blanc la société soviétique. A aucun moment la société socialiste soviétique n’a pu se développer à la vitesse et dans le sens qu’elle aurait voulu !

7 Communisme

Pour moi, la société communiste se situe dans une tension dialectique entre Travail prescrit versus travail choisi c’est une phase de la société où le travail aliéné a disparu ou est devenu marginal, c’est-à-dire qu’il n’est plus nécessaire d’exploiter la force de travail humaine pour produire ce dont la société et les individus ont besoin, et où le travail, alors choisi, devient l’élément fondamental de socialisation le communisme c’est lorsque le travail sera devenu le premier besoin social de l’Homme (Idéologie Allemande) Ce que j’ai résumé dans une formule lapidaire dans mon ouvrage Cyber révolution : Du jour où les usines tourneront toutes seules au jour où le travail sera devenu le premier besoin social.

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1. La consommation et le marché n’ont pas pour seule fonction de valider la valeur créée dans la production. Il sont aussi partie prenante de la création de valeur. La théorie de la rente élaborée par Marx doit être critiquée pour être mieux prise en compte dans les processus de formation des prix. Voir- Le Capitalisme Contemporain Des théorisations nouvelles ? ?Jean-Claude Delaunay, Éditions : L’Harmattan 2003

2. Pour une vision plus complète des évolutions du mode de production et ses conséquences sociales voir Cyber Révolution & Révolution Sociale Lavallée Ivan 2023 éditions du Temps des Cerises

3. Florian Gulli, Jean Quétier, La Revue du projet n042,29/11/2014 4. C’est ce qui fonde la théorie dite du matérialisme historique.

4. C’est ce qui fonde la théorie dite du matérialisme historique.

5. Karl Marx, Le Capital, 1867, Garnier-Flammarion, 1969, p. 675.

6. Friedrich Engels, note au Manifeste communiste, 1888. Dans Karl Marx, Philosophie, Gallimard, 1994, p. 594.

7. Ceci dit, si sa voix est son "outil" et elle le possède, elle n’a toutefois pas les moyens seule de l’exploiter, elle est dans une situation analogue à celle du forgeron qui utilise sa force ou de l’ingénieur qui utilise son intellect.

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